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Financement des hôpitaux: secret médical menacé

Une équipe franco-suisse a remporté le concours pour la construction du futur hôpital. [RB-Pictures - Fotolia]
Les caisses-maladie veulent connaître toutes les données de patients, en particulier lorsqu'ils sont soignés dans un hôpital. - [RB-Pictures - Fotolia]
L'accord passé entre les assureurs maladie et les hôpitaux en vue du nouveau financement hospitalier continue de susciter des critiques. Patients et médecins expriment de vives craintes concernant la protection des données. Le préposé fédéral émet lui aussi des réserves.

Avec l'introduction des forfaits par cas dès 2012, les hôpitaux devront livrer toutes les données des patients aux assureurs. Cela met en danger le secret médical, estime privatim, l'association des commissaires suisses à la protection des données, qui a sonné la charge dimanche. Plusieurs autres acteurs interrogés lundi par l'ats lui emboîtent le pas.

"Nous sommes scandalisés, c'est inadmissible", lance Pierre-François Cuénoud, membre du comité central de la Fédération des médecins suisses (FMH). "La protection des données n'est plus garantie, c'est une liquidation du secret médical".

Même inquiétude auprès des patients: "Nous regrettons que les rapports de force aient fait plier l'organisation faîtière des hôpitaux suisses H+, qui a abandonné le principe de non-transmissibilité des données personnelles", déplore Jean-François Steiert, vice-président de la Fédération suisse des patients.

Réserves du préposé fédéral

Les services du préposé fédéral à la protection des données, Hanspeter Thür, émettent aussi des réserves. Sans se prononcer encore en détail, ils se montrent "plutôt critiques", a indiqué Francis Meier, collaborateur scientifique. Le préposé se prononcera après avoir pris connaissance de la proposition de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) à l'intention du Conseil fédéral, en août-septembre.

Il faut avoir une égalité des traitements entre les hôpitaux privés et publics. [Georgios Kefalas - Keystone]
Il faut avoir une égalité des traitements entre les hôpitaux privés et publics. [Georgios Kefalas - Keystone]

L'accord n'est en effet pas encore définitif. Le Conseil fédéral l'a approuvé dans ses grandes lignes le 6 juillet, sous réserve de l'approbation définitive des membres de l'association H+, qui doivent se prononcer d'ici le 15 août. Le gouvernement doit encore examiner le texte en détail.

De son côté, comme il s'agit d'une affaire en cours, l'OFSP ne peut pas faire de commentaire, a-t-il fait savoir. Le Conseil fédéral devra notamment s'assurer que l'accord répond aux exigences légales. Ce qui n'est pas le cas, selon les conclusions d'une expertise publiée fin mai par H+ en collaboration avec la FMH. Ce rapport conclut que l'accord enfreint la protection des données et le principe de proportionnalité.

"Dommage que H+ ne suive pas sa propre expertise", regrette Pierre-François Cuénoud. D'après le médecin, responsable du dossier des forfaits par cas au sein de la FMH, il n'est pas nécessaire de transmettre toutes les données personnelles pour "faire ce que la loi oblige à faire", à savoir contrôler les factures et la rentabilité. "Le potentiel d'abus est absolument énorme", s'inquiète-t-il.

Sélection des risques

Selon l'accord, les données seront transmises aux caisses. Mais si les patients refusent, elles le seront à leur médecin-conseil. Ces garanties ne suffisent toutefois pas aux associations de patients et de médecins, qui estiment qu'il sera impossible de vérifier l'usage que les assureurs feront de ces données.

La FMH et la Fédération suisse des patients accusent les caisses maladie de vouloir les utiliser pour créer des bases de données sur les pathologies, un profil des patients et, in fine, sélectionner les risques. Selon Margrit Kessler, présidente de l'Organisation suisse des patients, les données devraient, comme en Allemagne, être confiées à un organe totalement indépendant des caisses maladie.

Le Dr Cuénoud espère encore un revirement de situation. Il souhaite que le Conseil fédéral conserve "ce qui est correct et acceptable dans cette convention, mais rejette le point qui concerne la protection des données".

A noter que la faîtière des hôpitaux ne défend l'accord avec santésuisse que de manière timide. "Je ne peux exclure que l'on soit allé trop loin dans le domaine de la livraison des données", a souligné dimanche le porte-parole de H+ Reinhard Voegele.

ats/vkiss

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Le nouveau système en bref

Avec le nouveau système, les cantons participeront au financement des établissements, publics ou privés, figurant sur les listes qu'ils édicteront.

Ces catalogues doivent permettre d'assurer la couverture des besoins en soins de la population.

Les assurés pourront se faire traiter dans n'importe quel hôpital en Suisse, pour autant que l'établissement figure sur une des listes.

La nouvelle structure tarifaire nationale est basée sur des forfaits liés aux prestations dont l'évaluation tient compte des coûts d'investissement. Elle n'est pas comparable aux tarifs en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2011