Marc Fues, ancien directeur général au moment de la période pénale allant de 1996 à 1998, écope de 180 jours amende (à 400 francs) avec sursis et un délai d'épreuve de deux ans. René Curti, alors directeur adjoint et responsable de la division gestion des risques, a été condamné à 120 jours amende (à 260 francs), également avec sursis et délai d'épreuve de deux ans.
Selon le juge Jean-Marc Verniory, Marc Fues a mis en place une politique du secret en faisant un pari sur une embellie conjoncturelle. Le Tribunal a conclu que les rapports annuels de la Banque cantonale de Genève (BCGE) pour les années 1996 à 1998 étaient faux, car ils ne reflétaient pas la réalité économique de l'établissement.
Volonté de bien faire
Mais les deux ex-dirigeants n'avaient pas de dessein de nuire, soulignent les juges qui ont statué de manière contradictoire. Les prévenus voulaient éviter l'ouverture d'une enquête par la Commission fédérale des banques et le retrait de la licence bancaire. En clair, ils voulaient bien faire mais ont opté pour une solution illégale.
Faute de preuves, le Tribunal n'a pas retenu les charges de gestion déloyale aggravée. La condamnation de Marc Fues et René Curti porte uniquement sur les faux dans les titres, mais pas sur l'ensemble des points soulevés par le Ministère public. Il s'agit donc d'une condamnation partielle.
Leurs avocats ont annoncé des recours. Pour Christian Lüscher, ce sont "deux victimes expiatoires". "On leur reproche d'avoir cultivé le secret. Or le secret bancaire est inscrit dans la loi". Il s'est aussi dit surpris par la motivation: "On leur dit qu'ils ont commis une infraction pénale en voulant bien faire."
Soulagement
Quant à Dominique Ducret, l'ex-président, il ne connaissait pas les chiffres notamment en matière de provisions, estiment les juges. Il est donc au bénéfice du doute quant à son intention de commettre des faux en signant les rapports annuels. Ses avocats ont fait part de leur "immense soulagement".
Les deux ex-réviseurs d'ATAG Ernst and Young ont aussi été acquittés sur toute la ligne. Le Tribunal relève qu'il n'y a pas de preuve suffisante montrant que ces spécialistes de la révision avaient une volonté délibérée de cacher la réalité économique de l'entreprise. Ils n'ont pas non plus tiré d'avantage illicite dans cette affaire.
Un signe
Le procureur général, qui avait requis deux ans de prison avec sursis pour les cinq prévenus, se montre satisfait. "Ce verdict est un signe pour la place financière de Genève", souligne Daniel Zappelli. "Les personnes qui trafiquent des comptes doivent être condamnées." Il pourrait toutefois faire appel.
ats/cmen
L'Etat de Genève satisfait
L'Etat de Genève, qui était partie plaignante aux côtés de la BCGE, exprime aussi sa satisfaction car le Tribunal a clairement établi qu'une politique du secret a été menée à la tête de l'établissement. "Contrairement aux affaires Swissair ou UBS, les juges ont admis que les comptes publiés étaient faux. C'est fondamental", a déclaré le conseiller d'Etat François Longchamp.
Reste que l'Etat est déterminé à ne pas être seul à supporter la facture de 2,34 milliards de francs, la somme nécessaire pour sauver la BCGE de la faillite en 2000. Il a engagé une procédure civile contre la société de révision ainsi qu'une demande en dommage-intérêts contre la Confédération en raison des défaillances de la Commission fédérale des banques dans la surveillance de la BCGE.