Sa décision, tombée jeudi, concerne au premier chef la commune de Romanel-sur-Lausanne. Elle touche aussi une kyrielle d'autres communes, comme Lausanne, où l'élimination des déchets est payée en totalité par les impôts.
Dans son arrêt, le TF juge qu'un plafond de 30% de financement par l'impôt constitue, en règle générale, la "limite supérieure" à ne pas dépasser. Sur ce point, le TF se distancie de la Cour constitutionnelle vaudoise qui avait elle totalement exclu un recours à l'impôt et désavoué les autorités de Romanel.
La commune, qui avait recouru au TF, obtient partiellement gain de cause sur ce point. Elle subit en revanche une lourde défaite sur un autre point très litigieux, puisque le TF exclut qu'une taxe forfaitaire par ménage soit compatible avec la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE).
Système dual balayé
Or, le nouveau règlement de la commune de Romanel-sur-Lausanne a introduit un système dual, qui prévoit un financement de l'élimination des déchets par l'impôt à hauteur de 30%, le solde étant payé par une taxe forfaitaire fixée selon la taille des ménages et oscillant entre 180 et 450 francs par an.
Pour le TF, il est difficile de s'imaginer "comment une taxe forfaitaire par ménage tient compte de la quantité de déchets produits et déploie un effet incitatif". En effet, dans un tel système, "deux ménages comprenant un même nombre de personnes peuvent produire une quantité de déchets différentes et payer la même taxe".
Règlement illégal
"Il n'y a là aucune incitation à réduire la quantité de déchets", conclut le TF. En prévoyant une taxe forfaitaire par ménage, le Règlement communal de Romanel-sur-Lausanne est contraire à la loi fédérale sur la protection de l'environnement, juge le TF.
Syndic de Romanel, Edgar Schiesser déplore que le canton de Vaud n'ait toujours pas légiféré. Il regrette également la disparité des solutions communales, qui a pour effet d'engendrer un tourisme des ordures puisque les habitants de certaines communes qui ont adopté une taxe au sac se déplacent pour éliminer leurs déchets ailleurs.
Taxe au poids
Le syndic précise également que la taxe forfaitaire était une voie "intermédiaire". D'autres solutions vont devoir être envisagées, telle qu'une taxe au poids, comparable à celle qui a été introduite dans la commune vaudoise de Lavigny, indique M. Schiesser.
A Lausanne, Olivier Français estime lui aussi que la balle est dans le camp du canton de Vaud. Municipal et directeur des travaux, il prône une solution commune qui évite le tourisme des déchets entre les communes. "C'est la gabegie aujourd'hui", déplore-t-il.
Préavis sous peu
Le canton indique pour sa part qu'il attendait "avec grande attention" l'arrêt du Tribunal fédéral. Secrétaire général du Département de la sécurité et de l'environnement (DSE), Sébastien Leprat note que le Conseil d'Etat va ainsi pouvoir rendre "très bientôt" son préavis sur l'initiative parlementaire du député Philippe Cornamusaz transmise au gouvernement en février 2010.
La jurisprudence rendue par le TF est "historique", ont affirmé les Verts vaudois dans un communiqué. Le modèle retenu par la cour, soit un financement causal (principe du pollueur-payeur) éventuellement accompagné d'un financement partiel par l'impôt, correspond en tout point au modèle préconisé par les Verts, soulignent-ils. En Suisse romande, seul le canton de Fribourg a généralisé la taxe au sac. Le Grand conseil neuchâtelois a accepté l'automne dernier un projet de loi dans ce sens.
ats/tur
En Suisse romande, seul Fribourg pratique la taxe au sac généralisée
L'arrêt du Tribunal fédéral sur la taxe au sac pourrait avoir des implications pour de nombreuses communes romandes. A l'heure actuelle, deux tiers des Vaudois paient le traitement de leurs déchets par l'impôt. Seul le canton de Fribourg utilise cet instrument de manière généralisée, depuis fin 1999.
Neuchâtel devrait s'y mettre dès l'année prochaine, puisque le Grand Conseil neuchâtelois a accepté l'automne dernier un projet de loi en ce sens. Dans le canton de Vaud, les députés ont transmis l'an dernier au gouvernement une initiative législative prévoyant qu'au moins 50% des coûts d'élimination des déchets soient financés par une taxe au sac ou au poids.
Röstigraben du sac à déchets
Dans la plupart des cantons alémaniques, la taxe au sac a été introduite dès les années 1990. On constate depuis un véritable Röstigraben du sac poubelle. Par exemple, le Haut Valais s'y est mis mais pas le reste du canton.
En Suisse romande et au Tessin, le système a été adopté par certaines communes, notamment dans les cantons de Vaud et du Jura. C'est le cas à Delémont et en Ajoie, ou encore dans de nombreuses localités du Nord vaudois, de la Broye ou du Chablais. Mais les résistances restent vives, par exemple dans les Franches-Montagnes, ou au Tessin, où le sujet fait les choux gras de la droite populiste.