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La thèse du vol de PET recyclé ne convainc pas

Pour être transporté, le PET doit être compacté en balle de 600kg, une opération qui nécessite des infrastructures coûteuses. [Keystone - Martial Trezzini]
Pour être transporté, le PET doit être compacté en balle de 600kg, une opération qui nécessite des infrastructures coûteuses. - [Keystone - Martial Trezzini]
Le monde du recyclage était secoué la semaine dernière par une petite polémique. Des bouteilles en PET seraient «volées» sur les points de collecte et exportées de manière «illicite» vers l’Asie, menaçant la filière de récupération en Suisse. Pour les professionnels de la branche, cette hypothèse n’est pas crédible, l’exportation de PET n’étant pas rentable.

Le 3 août dernier, PET Recycling Schweiz (PRS) tirait la sonnette d'alarme: le recyclage du PET en Suisse serait menacé par des «larcins perpétrés sur les lieux mêmes de collecte». Certaines entreprises profiteraient des infrastructures mises en place par PRS, association chargée de valoriser le recyclage du PET en Suisse (lire encadré ci-contre), pour ramasser des bouteilles et ensuite les revendre en Asie sans déclarer ces exportations à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV).

Cette hypothèse est remise en question par les responsables du ramassage et du recyclage. Selon eux, exporter du PET recyclé vers l'Asie n'aurait aucun sens, les tarifs de reprise étant nettement plus élevés en Suisse

Un système menacé

Environ 2% du PET, soit 800 tonnes, échapperait à la filière du recyclage, avance PRS dans son communiqué. Une proportion qui peut sembler minime, mais qui en réalité menace tout le système actuel de récupération de cette matière.

Conditionner le PET pour le transport nécessite des infrastructures coûteuse. [Fotolia - Günter Menzl]
Conditionner le PET pour le transport nécessite des infrastructures coûteuse. [Fotolia - Günter Menzl]

Car si le taux de recyclage du PET (80% en 2010) venait à passer sous la barre des 75%, la loi prévoit l'introduction d'une consigne sur les bouteilles et d'une taxe d'élimination, avec des conséquences pour les recycleurs et les consommateurs. Selon PRS, la part de PET «volé» plombe les statistiques du recyclage qui devraient plutôt s'élever à 82%, un record absolu pour la Suisse.

Contacté par tsrinfo.ch, le responsable de PRS pour la Suisse romande, Jean-François Marty, explique que le PET ramené par les Suisses dans les conteneurs et autres poubelles de PRS (30'000 en Suisse) «est la propriété de PRS», comme l'indique une inscription sur les sacs de récupération.

Estimations et «suppositions»

C'est d'ailleurs parce qu'elle gère l'ensemble du recyclage du PET en Suisse que l'association s'est rendue compte de ces «vols». «On avait moins de retours de bouteilles en 2010 que l'année précédente. Et comme les mises sur le marché étaient identiques, on s'est dit que quelque chose devait se passer. On en a donc conclu que cette marchandise devait être exportée», explique Jean-François Marty.

La part de 2% de PET «volé» avancée par PRS repose donc sur des estimations. Quant à la destination, PET Recycling Schweiz n'en est pas sûr non plus. Selon Jean-François Marty, le PET serait exporté «vraisemblablement vers la Chine». Le responsable avoue toutefois que cette destination n'est qu'une «supposition» qui repose sur le fait que PRS reçoit régulièrement des demandes d'acheteurs asiatiques à la recherche de PET.

L'identité des entreprises qui exporteraient du PET reste floue elle-aussi. Jean-François Marty avoue ne pas les connaître. Mais selon lui, ces entreprises auraient été attirées vers des marchés étrangers en raison de la hausse du prix du PET l'an dernier, qui avait suivi le cours du pétrole, son principal composant.

Des cas isolés

Chaque année, 1,2 milliards de bouteilles en PET sont mises sur le marché en Suisse.
Chaque année, 1,2 milliards de bouteilles en PET sont mises sur le marché en Suisse.

Le discours est tout autre du côté des entreprises de recyclage, qui travaillent pourtant en partenariat avec PRS. Bernard Girod, patron de Serbeco à Genève, estime lui que la filière asiatique pour le PET est peu crédible. «Je me suis renseigné: il n'y a aucun récupérateur en Suisse romande qui exporte du PET vers l'Asie. Il n'y a que quelques cas isolés en Suisse alémanique. (...) De notre côté, ça fait sept ou huit ans que nous n'avons pas été approchés par des commerçants qui exportent en Chine».

Pour Roger Constantin, patron de l'usine Roche (lire premier encadré), les grandes entreprises de recyclage, qui sont membres de PRS, se taillent la part du lion. Elles contrôlent la quasi totalité du ramassage. Il ne resterait donc que quelques miettes à des entreprises qui travailleraient hors du circuit.

De plus, exporter en Chine ne serait pas rentable. «Nous gagnons nettement plus en travaillant avec PRS», déclare Bernard Girod. La tonne de PET se vendrait entre 400 et 500 francs à l'exportation. «Nous touchons environ 50% de plus», révèle-t-il, sans donner plus de précisions. «Depuis une dizaine d'années, le recyclage du PET s'est très bien organisé en Europe. La qualité du PET recyclé est excellente et les tarifs de reprise sont très intéressants.»

Du plastique mais peu de PET

Conditionner le PET pour le transport ou l'exportation demande des infrastructures coûteuses. Une machine de compactage coûte environ 100'000 francs, précise Bernard Girod. En plus, il faut des quantités énormes de bouteilles pour que ce soit rentable. «Une balle de 500 ou 600 kilos contient presque 50'000 bouteilles. Alors pour envoyer un conteneur de 8 tonnes en Chine, faites le calcul. Il ne s'agit pas de quelques sacs dérobés dans un centre de tri».

On est donc loin de la thèse du vol avancée par PET Recycling Schweiz. En réalité, s'il y a des pertes, c'est plutôt parce que certains récupérateurs de plastique ne s'embarrassent pas avec le tri des déchets.

«Les gens qui exportent en Chine n'exportent pas du PET recyclé. Ils exportent du plastique mélangé qui contient une partie de PET. Mais ce sont des quantités infimes. Je ne sais pas pourquoi on fait tout un foin avec cette histoire», conclut Bernard Girod.

Sébastien Bourquin

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Le recyclage du PET, une machine bien huilée

Chaque année en Suisse, 1,2 milliard de bouteilles en PET - soit environ 45'000 tonnes - sont mises sur le marché. Le taux de recyclage de ces bouteilles s'élevait en 2010 à 80%, un record au niveau international.

La récupération du PET est chapeautée par PET Recycling Schweiz (PRS), une association sans but lucratif, qui finance toute l'infrastructure de collecte (conteneur métallique, poubelles bleues, sacs), de transport et de tri du PET en Suisse.

Le recyclage est financé par une contribution anticipée de 1,8 ct. par bouteille de PET vendue en Suisse. Des fonds qui sont redistribués aux partenaires de PRS.

Après le ramassage dans les points de collecte, les bouteilles de PET sont compressées en balles de 600 kilos par les entreprises de recyclage, comme Serbeco à Genève ou Goutte Récupérations à Lausanne. Ces balles partent ensuite à l'usine de Roche (VD) qui centralise tout le PET recyclé dans le circuit officiel en Suisse romande.

A Roche, les bouteilles sont triées par couleurs. Les bouteilles blanches et bleues (60% du tout) partent à Recypet à Frauenfeld (TG) où elles sont reconditionnées en flocons qui serviront à fabriquer de nouvelles bouteilles en Suisse. Le principal fabricant est Resilux (GL).

Les bouteilles brunes ou d'autres couleurs (les 40% restant) partent dans d'autres industries. Elles servent à fabriquer une palette très large de produits, comme des emballages, des barquettes, du textile, des tuyaux ou du mobilier de jardin, précise Jean-François Marty de PRS. Une partie de ce PET de couleurs est exporté vers des usines dans des pays limitrophes.

Le recyclage du PET en Suisse permet d'économiser chaque année 36 millions de litres de pétrole et d'éviter l'émission de 139'000 tonnes de gaz à effet de serre. Le PET est une matière recyclable à l'infini.

Des exportations pas «illégales»

Pour exporter du PET, les entreprises de recyclage sont tenues de le déclarer à l'Office fédéral de l'environnement, comme le stipule l'Ordonnance sur le mouvement des déchets (OMoD).

Les entreprises ne sont toutefois pas condamnables si elles omettent cette formalité, explique Michel Monteil, chef de la section Valorisation et traitement des déchets de l'OFEV. Il conteste donc l'utilisation du terme «illégal» pour ces exportations non déclarées.

Selon lui, entre cinq et dix entreprises en Suisse exportent du PET en le déclarant. Mais les quantités sont minimes. Michel Monteil ne peut toutefois donner ni le tonnage exact ni le nom de ces entreprises.

Seule précision, le PET déclaré est exporté principalement vers des pays limitrophes, et en infime partie vers la Chine. En revanche, beaucoup de plastique mélangé est exporté vers la Chine, mais il n'y a pas de contrôle pour ces matières. Il est donc impossible de les quantifier.