Après avoir tergiversé pendant des mois, le gouvernement a finalement considéré qu'il était temps d'intervenir, lors d'une séance tenue à Sierre (VS). A lire: Le Conseil fédéral en Valais
Mesures concrètes pas précisées
Si l'économie suisse va encore plutôt bien en général, la situation est critique dans certains secteurs, a souligné Johann Schneider-Ammann devant la presse.
Le plan d'action pour atténuer les effets de la force du franc n'est pas encore fixé dans les détails. Un groupe de travail peaufine le catalogue de mesures qui devront déployer des effets rapidement.
Parmi les pistes envisagées, une réduction temporaire des cotisations salariales pour les entreprises d'exportation et l'hôtellerie. Le ministre de l'Economie a reconnu que cette idée était envisagée, mais a refusé de préciser les conditions. Avant de déterminer précisément les mesures, il s'agit d'évaluer leurs conséquences sur le marché, a-t-il souligné.
Pas question non plus de préciser comment les 2 milliards pourraient être répartis. Le gouvernement rediscutera prochainement de la question. Pour l'heure, il s'est contenté de définir les cinq domaines destinataires de l'aide de l'Etat: industrie d'exportation, tourisme, innovation et recherche, infrastructures et consommateurs.
Une "situation très particulière"
Les 2 milliards seront financés par l'excédent des comptes attendu pour 2011. Au lieu d'un déficit de 0,6 milliard inscrit au budget, la Confédération devrait clore l'année avec un surplus de recettes de 2,5 milliards, a annoncé Eveline Widmer-Schlumpf. A lire: Comptes de la Confédération
Il s'agit de déterminer sous quelle forme l'argent pourra être injecté. Un supplément au budget sera soumis au Parlement lors de la session qui débute en septembre. "Les délais sont serrés; ça va être sport, mais c'est faisable", a jugé la ministre des Finances.
A la question de savoir si son coeur de libéral saignait à l'idée d'injecter cet argent, Johann Schneider-Ammann a assuré que non. "La situation est vraiment particulière. Même si on ne sent pas encore vraiment la crise en Suisse, les nuages s'amoncellent à l'horizon; il faut tout mettre en oeuvre pour sauvegarder les emplois".
Le ministre de l'Economie a assuré que l'action du gouvernement n'était pas tardive. La situation sur le marché des devises ne risque pas de s'améliorer cet automne, vu l'état des dettes européennes et américaines, selon lui.
Cartels à l'oeil
Outre les actions à court et moyen terme, le Conseil fédéral prévoit aussi d'engager une révision de la loi sur les cartels. L'objectif est d'interdire plus efficacement les accords horizontaux sur la fixation des prix, les restrictions quantitatives et la répartition géographique ainsi que les ententes verticales sur les prix et les exclusions territoriales.
Pour ce faire, la Commission de la concurrence va obtenir quatre postes supplémentaires pendant deux ans. La surveillance des prix sera renforcée dans la même mesure. Elle devra s'attacher à intensifier le dialogue avec les fabricants et les distributeurs afin que ceux-ci répercutent davantage les avantages de change.
Dans la matinée, la Banque nationale suisse avait également annoncé de nouvelles mesures contre la fermeté du franc. A lire: Cherté du franc
ats/cer
TOUTES LES REACTIONS
Le PLR affirme qu'il soutiendra les mesures qui seront présentées au Parlement pour autant qu'elles soient ciblées, qu'elles respectent le frein à l'endettement et qu'elles renforcent la concurrence à long terme.
Le
PDC
salue les mesures, parlant d'un "exercice de pompier", mais regrette le manque de critères dans l'attribution des moyens de la part du Conseil fédéral: "On ne doit pas non plus jeter l'argent par les fenêtres."
Le PS salue l'action du Conseil fédéral, même si elle vient trop tard, mais se montre encore prudent sur les mesures en faveur du tourisme et de l'industrie de l'exportation: pour lui, il n'est pas envisageable que des entreprises profitent du soutien de l'Etat et en même temps diminuent les salaires ou licencient du personnel.
L'UDC a pris acte du plan d'action et demande qu'il ait une influence sur le long terme en agissant sur les conditions cadre, notamment par des baisses d'impôts. Selon elle, répartir de l'argent entre les différentes branches ne suffit pas et peut même conduire à des inégalités.
Suisse Tourisme s'est dit "très heureux", car la branche touristique en profitera, même si le montant exact et les mesures détaillées ne sont pas encore connus. A plus long terme, il s'agira de changer les conditions-cadres pour toute la branche du tourisme afin d'améliorer sa compétitivité.
Economiesuisse
juge que ces mesures vont dans la bonne direction. Les 2 milliards de francs qu'elles représentent sont "acceptables et financièrement supportables". Et il est positif que le Conseil fédéral mette l'accent sur une politique de croissance à long terme et qu'il prenne des mesures qui amélioreront l'attractivité de la Suisse.
L'USAM, la faîtière des PME, dénonce ces dépenses de 2 milliards de francs et estime qu'il s'agit d'un abandon d'une politique fiscale raisonnable et le retour à une politique de subventionnements.
L'Union syndicale suisse évoque "une goutte d'eau dans l'océan" et rappelle que les caisses de pension ont enregistré des pertes comptables de plus de 50 milliards depuis fin 2009. Tout en trouvant réconfortant que le Conseil fédéral voit une nécessité d'agir, même s'il aurait dû le faire depuis longtemps en accord avec la Banque nationale suisse.
Travail.Suisse attend maintenant des mesures rapides et centrées sur les entreprises touchées par la crise. Elle refuse par contre des réductions générales d'impôts ou de charges sociales.
Eviter une bulle immobilière
Le Conseil fédéral veut aussi agir sur le marché hypothécaire pour éviter une bulle immobilière. Dès janvier, les banques devront renforcer par des fonds propres supplémentaires la couverture des créances allant au-delà des normes usuelles en matière de prêts et de risques acceptables.
Cette mesure vise d'abord les établissements bancaires, qui risquent toutefois de la répercuter sur les clients, a reconnu la ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf.
Etant donné les taux d'intérêt favorables, les banques octroient davantage de crédits pour les achats immobiliers, a-t-elle expliqué. Cette tendance est renforcée par les mesures de politique monétaire prises actuellement par la Banque nationale (BNS) contre le franc fort. En raison de la concurrence accrue, il arrive que les banques respectent moins strictement les dispositions concernant les risques acceptables et les prêts.
Le Conseil fédéral veut enrayer cette tendance.