Le gouvernement a décidé l'an passé d'adhérer à la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels. Ses règles vont plus loin que le code pénal helvétique, d'où le projet de révision.
La Suisse est l'un des rares pays européens à autoriser la prostitution avec des mineurs de 16 et 17 ans. Cela doit enfin être interdit pour améliorer la protection des enfants, a annoncé jeudi devant la presse la ministre de justice et police Simonetta Sommaruga. La conseillère fédérale n'a pas pu préciser le nombre d'adolescents concernés. Il s'agit souvent de prostitution occasionnelle, a-t-elle justifié.
Malgré l'interdiction prévue, les mineurs ne seront pas poursuivis. Leurs clients risqueront en revanche jusqu'à trois ans de prison, propose le Conseil fédéral. Ils seront punissables quel que soit l'acte sexuel pratiqué et le type de rémunération offerte, argent liquide ou habits de marque et voyages, par exemple.
Dix ans pour les proxénètes
L'encouragement de la prostitution de mineurs sera sanctionné pénalement. Les proxénètes et les gérants de maison close ou de service d'escortes qui encouragent la prostitution pourront passer jusqu'à dix ans derrière les barreaux. Louer un espace à des mineurs ou les engager dans des maisons closes sera également punissable.
Comme les plus jeunes, les adolescents de 16 et 17 ans seront par ailleurs protégés contre une participation à des représentations pornographiques. La fabrication, la possession et la transmission de matériel montrant des actes d'ordre sexuels ou de la violence effective envers des mineurs sera passible d'au plus cinq ans de privation de liberté. Quiconque consomme un tel matériel encourra jusqu'à trois ans de prison.
Le recrutement de personne mineure pour une représentation pornographique ne devrait pas non plus rester impuni. Les adolescents pourront en revanche continuer à s'échanger des photos pornographiques entre eux.
"Grooming" déjà interdit
Le Conseil fédéral renonce à une norme pénale spécifique pour la sollicitation d'un enfant à des fins sexuelles via Internet ("grooming"). La convention oblige à rendre de tels échanges punissables s'ils sont suivis d'actes matériels pour rencontrer l'enfant, mais selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, ce comportement expose déjà à 5 ans de prison maximum.
Le Département de justice et police encourage par ailleurs les cantons à se doter de lois cantonales de police permettant les investigations masquées sur Internet, a relevé Simonnetta Sommaruga. Un projet fédéral est élaboré sur la base d'une initiative parlementaire socialiste. Le but est que les policiers puissent démasquer les pédophiles sur la Toile en se faisant passer pour un mineur.
La convention contient aussi des dispositions sur la prévention, la protection des victimes et des programmes d'intervention. Ces domaines sont, au moins en partie, du ressort des cantons. Tous soutiennent la convention qui les obligerait tout au plus à des modifications de législation mineures.
Certains ont décidé de ne pas attendre pour interdire la prostitution des 16-17 ans. Genève la proscrit depuis mai 2010. Des projets existent dans d'autres cantons. La convention a pour l'instant été ratifiée par un quart des membres du Conseil de l'Europe.
ats/cht