"On n'a pas d'ennemi en politique étrangère mais des divergences d'intérêts qu'on essaie de régler de façon pacifique. Quand ce n'est pas possible, on passe au rapport de force. C'est ce qui est arrivé dans cette affaire" Kadhafi et des otages suisses, explique la cheffe de la diplomatie dans un entretien publié dimanche dans Le Matin Dimanche et la SonntagsZeitung.
La responsable du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) revient sur son voyage à Tripoli en juin 2010 et décrit les conditions de la libération de l'otage Max Göldi. "Le risque de repartir bredouille existait", dit-elle, estimant que les Libyens "ont fait durer le plaisir en nous chicanant toute la journée". Micheline Calmy-Rey justifie par exemple sa rencontre avec le colonel Kadhafi, "parce que nous n'avions toujours pas Göldi".
"Une atmosphère surréaliste"
"On m'avait dit que ce serait la rencontre du pardon, que l'affaire ne serait pas évoquée". "Des experts nous reprochaient de ne rien comprendre à l''âme arabe'. D'autres ont dit qu'on n'y arriverait pas parce que je suis une femme. Ce n'était pas une question d'âme arabe, juste un rapport de force avec un dictateur", explique la cheffe du DFAE. Reçue dans la tente du leader libyen, elle a une conversation avec le colonel Kadhafi, qui lui lance qu'"il faut démanteler la Suisse".
La conseillère fédérale évoque une atmosphère "surréaliste". Face au colonel, Micheline Calmy-Rey avoue n'avoir rien ressenti. "Je ne pouvais pas considérer que c'était un personnage acceptable (...) Il ne m'a pas fait peur, il ne m'a pas fait rire non plus". Elle se dit fière au final "d'avoir réussi à renverser un rapport de force" avec la stratégie de restrictions des visas, qui a du coup impliqué l'Union européenne. Elle souligne d'ailleurs l'importance du soutien de l'UE par sa présidence espagnole de l'époque, de l'Italie, de l'Allemagne et de l'Autriche notamment.
Mais d'affirmer que "dans un premier temps, les Européens n'étaient pas ravis. Quand ils se sont rendu compte des mesures de rétorsions libyennes, ils nous ont appelés pour dire: 'Mais vous êtes fous! Qu'avez-vous fait? Pourquoi ne pas nous avoir avertis?'. Elle dit avoir répondu que, "si je les avais avertis, ils m'auraient dit de ne pas le faire".
La présidente de la Confédération relève aussi dans l'interview "l'arbitraire le plus complet" du régime libyen. "Le système est tel que vous parlez avec le gouvernement mais pas avec ceux qui détiennent réellement le pouvoir. C'est ça une dictature, l'imprévisibilité, la peur", observe-t-elle.
ats/hof
Pas plus de demandes d'asile de Libyens
La ministre de Justice et Police Simonetta Sommaruga ne s'attend pas à une "explosion" des demandes d'asile en provenance de Libye. C'est ce qu'elle déclare dans un entretien publié par la Zentralschweiz am Sonntag.
En dépit des récents combats à Tripoli et de la traque sanglante du dictateur Moammar Kadhafi, Simonetta Sommaruga ne table pas sur davantage de mouvement migratoire: "nous n'attendons pas d'explosion des demandes d'asile en provenance de Libye dans les semaines et mois à venir". Sur l'ensemble de l'année, elles devraient osciller entre 15'000 et 19'000.
La conseillère fédérale a de la compréhension pour ceux qui craignent un afflux de réfugiés. Mais, malgré "toutes les difficultés et les problèmes que nous avons en Suisse, nous ne devons jamais oublier que des choses absolument épouvantables et dramatiques se déroulent ailleurs".