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Genève au cœur d'une vaste affaire de blanchiment

Une affaire vieille de 11 ans est jugée par la justice genevoise. [Martial Trezzini]
Les prévenus ont été entendus par le procureur Dario Zanni. - [Martial Trezzini]
Le Ministère public genevois a inculpé trois hommes soupçonnés d'avoir touché plusieurs millions de dollars de pots-de-vin sur des comptes ouverts dans une banque privée de la place, selon une information de la RSR. Ces commissions occultes ont été perçues au détriment d'un important groupe pétrolier saoudien. Une banque privée genevoise est aussi dans le collimateur, via une plainte civile déposée à New York.

La victime présumée de cette affaire de blanchiment est le cheikh Abdullah al-Rushaid, qui dirige le groupe qui porte son nom - une importante société active notamment dans le pétrole. Il s'estime trahi par trois de ses hommes de confiance, deux Britanniques et un Pakistanais, mandatés par le groupe pétrolier Al Rushaid pour conclure des contrats de fourniture de matériel. Or, ils sont soupçonnés d'avoir touché des millions de dollars de commissions occultes de la part des groupes auxquels ils ont attribué des marchés - et notamment de la part du géant chinois Shandong Petroleum, qui aurait livré aux Saoudiens des fournitures cher payées et de piètre qualité.

L'argent des pots-de-vin à Genève

Cette vaste affaire concerne aussi un grand groupe pétrolier américain et occupe déjà la justice civile anglaise. Si la justice pénale genevoise est saisie, elle aussi, c'est que l'argent de ces pots-de-vin supposés a été placé sur des comptes ouverts dans une grande banque privée de la place.

D'après les informations de la RSR, confirmées par le Ministère public genevois, les trois hommes sont inculpés de blanchiment. La justice genevoise a également bloqué les sommes placées sur ces comptes. Il s'agirait de plus de 7 millions de dollars, selon Me Pierre Schifferli, avocat du groupe saoudien.

Quant aux prévenus, qui ont déjà été entendus à Genève par le procureur Dario Zanni, ils contestent les faits. D'après Me Marc Henzelin et Sonja Maeder, les défenseurs des deux Britanniques, l'argent placé à Genève n'est pas de provenance illégale. C'est aussi l'avis de la banque privée concernée, qui - pour l'instant - n'est pas accusée d'infraction aux lois anti-blanchiment.

Plainte civile contre la banque

Mais Al Rushaid se retourne également contre l'établissement genevois. Le groupe saoudien a déposé une plainte civile à son encontre devant la Cour suprême de l'Etat de New-York. Il réclame plus de 350 millions de dollars de dommages-intérêts à la banque privée - soit le montant qu'elle estime avoir perdu à cause des trois consultants accusés de corruption.

Dans cette plainte, Al Rushaid reproche aux banquiers genevois, et particulièrement à l'un de ses hauts cadres, d'avoir aidé et même incité les trois inculpés à dissimuler les dessous de table, via une société écran dans les îles vierges britanniques. L'argent des pots-de-vin supposés transitait par le compte ouvert au nom de cette société auprès de la banque genevoise. Il était ensuite redistribué à parts égales sur les comptes personnels des trois inculpés.

Mouvements de compte suspects

D'après les plaignants, le banquier genevois connaît l'un des inculpés de longue date. Il savait pour qui il travaillait et devait forcément savoir aussi que les sommes versées sur ces comptes n'étaient pas en rapport avec la rétribution versée par son employeur. On sait que des responsables de la banque ont été entendus à Genève dans le cadre de la procédure pénale pour blanchiment. Les mouvements de comptes sont jugés "extrêmement suspects" par le procureur.

Le volet civil qui s'ajoute devant la justice américaine place la banque privée dans une situation délicate. Son service de la communication répond mardi que la banque rejette "l'ensemble des accusations, tant sur la forme que sur le fond", et qu'elle utilisera tous les moyens juridiques à sa disposition pour se défendre.

Mathieu Cupelin/oa

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Un cheikh richissime

Le cheikh Abdullah al-Rushaid fait partie d'une des plus puissantes familles saoudiennes. Avec une fortune estimée à plus de 4 milliards et demi de dollars, il est classé au 20e rang des plus riches Arabes à travers le monde.