Après le monde politique, le monde judiciaire du canton semble donc - lui aussi - bien embarrassé par cette affaire, et les magistrats bien peu pressés à instruire les différentes procédures pénales à l'encontre de l'ancien ministre et de sa maîtresse d'alors…
Les tout premiers actes d'enquête ont finalement débuté il y a quelques jours avec l'audition des plaignantes, celles que la presse avait baptisées "Olivia et sa fille". La première - au coeur de l'affaire politique - accuse notamment Frédéric Hainard d'abus d'autorité, de faux dans les titres et de contrainte lors de perquisitions musclées qu'il avait lui-même menées alors qu'il était au Conseil d'Etat. Il aura donc fallu huit mois pour que débute cette enquête. C'est très long, dénoncent plusieurs magistrats. Même l'avocat de "Paloma", maîtresse de Frédéric Hainard à l'époque, estime que l'enquête aurait déjà du être bouclée.
Trop de libéraux-radicaux concernés?
Les mauvaises langues disent que l'appartenance libérale-radicale de Frédéric Hainard et de beaucoup de représentants du Ministère public n'est pas anodine. A la décharge du procureur responsable de l'affaire, Renaud Weber, l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale a pu compliquer les procédures. Le magistrat - qui officie à 50% - s'est contenté de nous faire savoir que l'enquête suivait son cours. Mais au moment de sa nomination, il nous avait confessé ne pas empoigner ce dossier de gaieté de coeur et s'était même comparé à un Winkelried devant se sacrifier pour sauver la République.
Cette affaire aurait pourtant dû être traitée en priorité, de l'avis de beaucoup de magistrats. C'était une erreur de la confier à un procureur neuchâtelois, estime par ailleurs l'avocat Michel Bise, ancien membre de la commission d'enquête parlementaire.
Manque de "zèle" pour la plainte du gouvernement
Il est encore moins normal de devoir attendre dans l'autre plainte liée à cette affaire et déposée par le gouvernement cantonal pour violation du secret de fonction, estime l'avocat. Ce versant de l'affaire est en mains du procureur général lui-même. Pierre Aubert reconnaît que, "dans un monde idéal", les différentes instructions auraient été ouvertes plus rapidement; mais que l'écoulement du temps n'est pas le même pour la presse ou pour la justice. Il précise que si les procédures ont tardé, c'est en raison de pièces essentielles qui étaient jusqu'à présent en main d'une autorité de recours. Il nous a confié par ailleurs n'avoir pas déployé un zèle énorme pour enquêter, compte-tenu du fait que les plaintes pour violation du secret de fonction n'aboutissent presque jamais.
Enquête plus rapide sur les avocats d'Olivia
Il y a pourtant une enquête similaire qui est à bout touchant, c'est celle qui vise la partie "adverse" - à savoir les deux avocats d'Olivia, qui ont déposé plusieurs plaintes et dénonciations à l'encontre de Frédéric Hainard. Ils sont suspectés d'avoir porté à la connaissance du public des documents confidentiels.
La procédure a certes été ralentie, car les avocats ont contesté le fait qu'on leur interdise l'accès au dossier au motif de risques de collusion. Mais le procureur suppléant Nicolas de Weck, en charge de cette instruction, nous a confirmé qu'une communication sur l'issue de cette affaire serait faite tout prochainement.
L'enquête du MPC bientôt conclue
Nommer un procureur extraordinaire: c'est ce qu'a fait le Ministère public de la Confédération (MPC), qui instruit aussi contre Frédéric Hainard. C'est l'actuel commandant de la Police cantonale vaudoise Jacques Antenen qui a été désigné pour mener l'enquête concernant un voyage en Amérique latine alors que Frédéric Hainard travaillait au MPC. Il nous a fait savoir que les conclusions seraient connues d'ici peu de temps. Frédéric Hainard est soupçonné ici de violation de la souveraineté d'un Etat, d'abus d'autorité et de faux. Jacques Antenen explique que l'enquête a connu un retard important en raison d'un témoignage essentiel arrivé ce printemps, alors que l'enquête était sur le point d'être terminée.
Anouk Henry/oa