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Armées privées: le Conseil fédéral décide de prochainement serrer la vis

De nombreux mercenaires de la société Blackwater sont déployés en Irak.
De nombreux mercenaires sont déployés en Irak.
Les entreprises de sécurité auront l'interdiction de proposer des services de mercenaires depuis la Suisse. Mais elles pourront offrir d'autres prestations qu'elles devront déclarer.

Le Conseil fédéral a mis mercredi en consultation un projet de loi jusqu'au 31 janvier 2012. La future loi entend assurer la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, préserver sa neutralité et garantir le respect du droit international. Elle s'appliquera aux entreprises qui fourniront depuis la Suisse des prestations de sécurité privées à l'étranger ou qui exerceront en Suisse. Les holdings ayant leur siège en Suisse et contrôlant des sociétés à l'étranger y seront aussi soumises.

Le texte prévoit d'interdire la participation directe à des hostilités dans le cadre d'un conflit armé (mercenariat). Il sera également impossible de recruter, de former et de mettre à disposition du personnel de sécurité pour une participation directe aux hostilités.

Le Conseil fédéral veut aussi prohiber les prestations de sécurité qui violeraient les droits de l'homme. La future loi obligera par ailleurs les entreprises de sécurité privées à respecter le Code de conduite international de novembre 2010, qui n'autorise le recours à la violence létale que pour l'autodéfense et la sauvegarde de la vie de tiers.

Pas de régime d'autorisation

Les entreprises pourront cependant continuer à fournir à l'étranger des prestations qui ne sont pas problématiques, comme des services de traduction ou de logistique. Mais elles devront les annoncer aux autorités suisses. Si les engagements contreviennent à la loi, ils pourront être interdits. Les activités illicites seront passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus.

Le Conseil fédéral a préféré cette réglementation à l'instauration d'un système d'autorisation. Un tel système imposerait aux autorités d'effectuer des enquêtes sur l'entreprise et son personnel et de s'assurer qu'elle respecte aussi à l'étranger les conditions d'autorisation. Or ces vérifications entraîneraient des coûts considérables.

L'octroi d'une autorisation pourrait en outre être perçu, à tort, comme un label de qualité des autorités suisses, ce qui risquerait d'inciter d'autres entreprises de sécurité étrangères à venir s'établir en Suisse. Ce système pourrait aussi se révéler problématique lorsque des sociétés violeraient les règles de droit, laissant penser que la Suisse légitime leurs agissements.

Pour la Suisse aussi

Le projet règle enfin le cas où la Suisse recourt aux services d'entreprises de sécurité privées. Ce cas de figure ne sera possible que pour des tâches de protection de personnes, de surveillance d'immeubles ou d'autres tâches de protection.

L'employé ne pourra recourir à la contrainte et à des mesures policières que si ces tâches l'exigent et que le droit en vigueur sur place l'y autorise. Le recours à des armes ne sera autorisé que pour des tâches de protection et en cas de légitime défense.

ats/nr

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Le cas Aegis Defense

A l'origine de la volonté de légiférer aussi bien du Conseil fédéral que du Parlement figure le cas d'Aegis Defense, une armée britannique privée. Basée à Londres, elle s'est dotée d'une holding avec siège à Bâle en 2010.

Lors d'un débat à l'automne 2010, le conseiller aux Etats Bruno Frick (PDC/SZ) a révélé que six grandes entreprises actives dans le territoires en guerre existaient en Suisse. Actuellement, les cantons sont compétents en matière de réglementation. Le Conseil fédéral avait dans un premier temps renoncé en 2008 à légiférer sur la question, estimant que ce marché était "insignifiant en Suisse.

GsSA et Amnesty salue la décision

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) se montre ravi de la décision du Conseil fédéral. "La Suisse émet un signal clair contre le mercenariat", a indiqué à l'ats le secrétaire du GSsA Stefan Dietiker. Le groupe n'est toutefois pas trop étonné: les conséquences de l'engagement de ce type d'armées sont connues, le Conseil fédéral "se devait d'agir".

Même réaction d'Amnesty International, qui salue l'interdiction, selon sa porte-parole Nadia Boehlen. Amnesty n'exige pas une interdiction expresse de toute entreprise de ce genre, mais la décision du Conseil fédéral conduit à un meilleur respect des droits de l'homme, un but important est atteint.