Afin de résoudre des crimes graves, le Ministère public peut être amené à utiliser des outils informatiques permettant la surveillance du trafic de communications cryptées sur l'Internet (Skype, par exemple). Le procureur de la Confédération a ordonné à plusieurs reprises ce type de mesure, selon des informations obtenues auprès du DFJP.
Les autorités judiciaires du canton de Zurich ont également lancé une telle procédure secrète. Dans les deux cas, un Tribunal des mesures de contraintes, instauré par le nouveau Code de procédure pénale, en janvier 2011, a formellement autorisé cet usage.
Une base légale, mais floue
Le recours à des logiciels espions, capables de surveiller des communications électroniques et de prendre à distance le contrôle d'un ordinateur, s'appuie sur une base légale. Il s'agit de l'article 280 du Code de procédure pénale, qui stipule en effet que le Ministère public peut utiliser "des dispositifs techniques de surveillance en vue d'écouter ou d'enregistrer des conversations non publiques".
Cet article est rattaché aux mesures de contraintes, c'est-à-dire aux actes de procédures qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes.
Une nouvelle loi en gestation
Les milieux juridiques ne sont pas tous d'accord quant à l'interprétation de cet article. Selon certains juristes, il s'agit là d'une interprétation "large" de l'article 280 du Code de procédure pénale.
Pour lever les ambiguïtés, le Conseil fédéral a lancé, en consultation, au mois de mai 2010, une profonde révision de la loi "sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunications" et du code de procédure pénale (CPP). La nouvelle mouture prévoit, de manière plus explicite, l'utilisation de logiciels espions.
Pierre Crevoisier
"Il y a un problème!" estime le Préposé à la protection des données
Pour Jean-Philippe Walter, interviewé par la RSR, le recours à de tels outils est "particulièrement intrusif dans la sphère et les droits des citoyens et ne peut intervenir que dans un cadre légal très clair".
Le Préposé à la protection des données ne va pas jusqu'à évoquer un scandale. Pour lui, lorsque le Ministère public de la Confédération affirme que ces logiciels ont été utilisés dans le cadre de procédures pénales, sur la base du Code de procédure, montre que cela s'est fait sous un certain contrôle: "Il y a eu décision d'un juge d'instruction avant le recours à de tels outils".
Il n'en reste pas moins, reconnaît Jean-Philippe Walter, que la base légale est insuffisante et qu'elle a des défauts. "Il y a une zone de flou! L'article 280 du CPP est formulé de manière très générale et nous sommes d'avis qu'une telle intrusion doit reposer sur une base très claire, qui définisse précisément quand, pour quels types de délits - cela doit être des délits particulièrement graves - qui encadre et qui contrôle".
Le Préposé rappelle qu'une révision de "loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication" et du code de procédure pénale sont en cours. Ces révisions devront régler l'utilisation de ce type de technologie. /pc