Le Gripen est techniquement excellent, il répond à toutes les exigences de l'armée suisse, a expliqué le ministre de la Défense Ueli Maurer devant la presse. C'est de loin la solution la plus avantageuse à l'achat comme sur le long terme, a-t-il ajouté en chiffrant l'offre à 3,1 milliards de francs. Le Conseil fédéral estime aussi que la Suède présente le meilleur potentiel pour une future collaboration.
Les autres avions sur les rangs pour remplacer la flotte de Tiger auraient coûté plus cher et donc laissé moins de marge de manoeuvre pour le budget de l'armée. Le conseiller fédéral n'a aucunement remis en cause leurs performances. Le Parlement aura encore l'occasion de se prononcer dans le cadre du programme d'armement 2012.
Le gouvernement, qui comptait reporter l'achat en attendant de trouver un moyen de le financer, a été pressé par les Chambres de prendre une décision. Pour ce faire, elles ont donné mandat au Conseil fédéral d'augmenter dès 2014 le plafond de dépenses pour l'armée à 5 milliards de francs par an, contre 4,1 milliards par an pour la période 2009-2011.
Ce futur budget doit couvrir aussi bien le fonctionnement d'une armée à 100'000 militaires que l'achat de 22 avions de combat et les mesures à prendre pour combler les lacunes en équipement. La majorité bourgeoise s'est ainsi montrée beaucoup plus généreuse que le gouvernement qui prévoyait un budget de 4,4 milliards et 80'000 militaires.
Plusieurs ministres ont fait part publiquement de leurs critiques face à la décision du Parlement. Des coupes seront inévitables dans d'autres domaines, comme la formation, la recherche, l'agriculture, l'aide au développement et les infrastructures, ont-ils prévenu. Ueli Maurer a confirmé la nécessité d'un programme d'économie. Des modifications de loi pourraient être nécessaires. Le peuple pourrait ainsi se prononcer par référendum sur les économies prévues.
Opposition inévitable des Verts et des socialistes
Battue au Parlement, la gauche envisage aussi le lancement d'une initiative populaire pour empêcher l'achat de nouveaux avions de combat. Ni la décision des Chambres appelant à relever le plafond des dépenses, ni le (ou les) programme(s) d'armement où figurera cette acquisition ne sont en effet soumis au référendum.
Les Verts demandent à nouveau que l'élévation du plafond des dépenses de l'armée, qui profite entre autres à l'achat de nouveaux avions de combat, soit soumis au peuple. Dans tous les cas, la décision d'achat doit être soumise au référendum.
Au cas où la possibilité d'un référendum ne serait pas garantie au moment de la présentation du programme d'armement, les Verts lanceront une initiative moratoire au sein d'une coalition aussi large que possible, avertissent-ils.
Du côté du PS, le parti débattra samedi de l'opportunité de lancer une initiative garantissant aux citoyens la possibilité de se prononcer sur l'achat d'avions de combat. En outre, le groupe socialiste aux Chambres fédérales va inviter le parlement à reprendre la question dans un cadre postélectoral désormais plus propice à la réflexion.
ats/rber
ACHAT D'AVIONS DE COMBAT, CHRONOLOGIE:
Les programmes d'acquisition d'avions de combat ont toujours provoqué en Suisse un intense débat politique. Voici la chronologie des opérations d'achat depuis la Deuxième guerre mondiale:
1948: acquisition de 130 Mustang P-51 de fabrication américaine, un des meilleurs chasseurs à moteur à explosion en service durant la Deuxième guerre mondiale.
1950: sur fond de guerre froide naissante, achat des premiers avions à réaction destinés à l'armée suisse. Une partie des 178 appareils britanniques de type Vampire, dont certains composants sont en bois, restera en service jusqu'en 1990.
1954: acquisition par la Confédération de la licence de construction de 226 appareils Venom conçus dans les ateliers de la société britannique De Havilland. Il s'agit du premier avion à réaction pourvu d'un siège éjectable.
1958: achat de 130 chasseurs-bombardiers supersoniques britanniques de type Hunter, qui resteront en service jusqu'en 1994. Cette acquisition intervient après l'échec essuyé dans le développement des avions militaires suisses N-20 et P-16.
1964-66: scandale des appareils Mirage commandés à la France dans un contexte d'adaptation aux armements nucléaires. En raison de dépassements de coûts exorbitants, seuls 59 appareils sur les 100 prévus seront finalement construits sous licence.
1976: achat de 110 chasseurs légers américains de type F-5 E Tiger, destinés à la protection de l'espace aérien. Montant de la facture: 1,2 milliard de francs.
1993: la fin de la guerre froide incite le Groupe pour une Suisse sans armée (GSSA) à lancer une initiative interdisant l'achat d'avions de guerre. Le rejet du texte en votation populaire ouvre la voie à l'acquisition de 34 chasseurs-bombardiers américains F/A 18 Hornet, pour un montant de 3,5 milliards de francs.
Juin 2007: le Conseil fédéral décide d'acquérir une nouvelle flotte d'avions de combat pour remplacer les escadres de Tigers vieillissantes. Le GSSA lance une nouvelle initiative destinée à empêcher la transaction.
Août 2010: le GSSA retire son initiative après la décision du Conseil fédéral de reporter à 2015 l'acquisition de nouveaux appareils.
30 novembre 2011: le Conseil fédéral porte son choix sur le constructeur suédois Saab Gripen pour honorer la commande de la future flotte d'avions de guerre.
La Société des officiers satisfaite
La Société suisse des officiers (SSO) salue la décision du Conseil fédéral. Elle fait avancer de manière significative l'acquisition d'un nouvel avion de combat.
La SSO ne se prononce pas sur les Gripen, mais elle suppose que le type choisi dispose des qualités techniques et opératives dont ont besoin les forces aériennes modernes. La SSO attend que le financement prenne en compte que l'armée doit fonctionner en tant que système entier.
Il ne faut pas que l'achat des avions implique une négligence d'autres parties de l'armée. Les lacunes dans l'équipement doivent être compatibles avec l'acquisition de l'avion de combat ainsi qu'avec la décisions du parlement d'accorder un budget de défense de 5 milliards de francs, soulignent les officiers.