Certains le disent pressé et ambitieux. Son apparence véhicule d'autres messages: posé, le verbe ferme et aisé, toujours élégant, ayant adopté l'uniforme du notable, costume sombre et chemise blanche, Alain Berset n'a jamais l'air stressé, toujours affable.
Maniant aussi bien le français que l'allemand, il s'est gardé de toute déclaration choc. "Je n'ai pas d'image à casser", a affirmé le socialiste. Au Conseil fédéral, il cherchera à s'intégrer dans une équipe qui fonctionne bien. Très consensuel, il a promis de s'engager avec passion et force comme conseiller fédéral, en communiquant très clairement et pour trouver des solutions communes.
Elections et réélections aisées
Agé d'à peine 31 ans, il fait une entrée fracassante aux Etats en 2003, éjectant le radical Jean-Claude Cornu, après avoir défait une valeur sûre du PS fribourgeois. Quatre ans plus tard, il est réélu dans un fauteuil. En 2009, il a été un des plus jeunes sénateurs à présider la Chambre des cantons.
Le 23 octobre dernier, il se paie le luxe, non seulement d'être élu au premier tour de l'élection au Conseil des Etats, mais en outre de faire plus de voix qu'Urs Schwaller (PDC), alors que la gauche est minoritaire dans le canton de Fribourg. C'est dire le soutien populaire dont il jouit dans son canton.
La voix économique du PS
A Berne, il s'est très vite imposé comme poids lourd dans son groupe et comme Romand écouté aux Etats. Sa connaissance des dossiers économiques en a fait un orateur incontournable depuis que la crise financière a éclaté, démontrant au passage que le PS peut avoir un discours rigoureux et technique sur la question.
En outre, il ne collectionne pas les mandats. Il a quelques activités associatives: il préside par exemple la fondation fribourgeoise dédiée aux personnes handicapées "Les Buissonnets", ainsi que la branche romande de l'Association suisse des locataires (Asloca). Comme son ami Christian Levrat, il se révèle à l'Assemblée constituante fribourgeoise dont il est membre de 2000 à 2004 et où il préside le groupe socialiste. Il est conseiller général dans son village de Belfaux (FR) de 2001 à 2003.
Homme de dossiers, mais pas seulement
La connaissance des dossiers, l'étude, l'approfondissement des sujets, sont chez lui une constante. Licencié en sciences politiques, docteur en sciences économiques, Alain Berset a travaillé comme chercheur de 1996 à 2000 pour le compte du Fonds national pour la recherche et de l'Institut de recherches économiques et régionales de l'Université de Neuchâtel (IRER).
En 2001, il a poursuivi ses recherches à Hambourg, au HWWA Institut für Wirtschaftsforschung, un des trois plus grands instituts de recherche économique allemands. De 2002 à 2004, il est conseiller du directeur neuchâtelois de l'économie publique Bernard Soguel. Mais cela n'en fait pas encore un rat de bibliothèque. Les coups politiques, il connaît. Sa part dans la non-réélection de Christoph Blocher n'est pas un secret.
Virus familial de la politique
Mais après tout n'a-t-il pas le virus de la politique dans le sang. Il a de qui tenir. Députée au Grand Conseil, sa mère, Solange Berset, a présidé le PS cantonal de 2002 à 2008. Son grand-père maternel François Angéloz - également socialiste - a été député et syndic.
Alain Berset a réussi tout ce qu'il a entrepris, mais d'aucuns trouvent une faille à son palmarès: il n'a jamais siégé dans un exécutif. Il a désormais tout le temps d'apprendre. Pianiste à ses heures, Alain Berset habite toujours la maison familiale à Belfaux. Il est marié et père de trois enfants.
ats/vkiss/boi
Un 4e Fribourgeois au Conseil fédéral
Alain Berset offre à Fribourg son quatrième conseiller fédéral. C'est le premier socialiste après trois démocrates-chrétiens. Le dernier ministre issu de ce canton était Joseph Deiss qui a siégé au gouvernement de 1999 à 2006.
Deux autres Fribourgeois avaient été élus par l'Assemblée fédérale auparavant: Jean Bourgknecht, qui a siégé au gouvernement de 1960 à 1962 et Jean-Marie Musy, conseiller fédéral de 1920 à 1934.
Avec quatre représentants au gouvernement depuis 1848, Fribourg fait figure de parent pauvre. Le canton est en effet loin de Zurich (20 conseillers fédéraux), Vaud (14) ou Berne (14). Neuchâtel (9), le Tessin (7), Soleure et Saint-Gall (6), Genève, Lucerne et Argovie (5) font également mieux que Fribourg.
Les Grisons ont aussi aligné quatre des leurs au Conseil fédéral. Suivent Thurgovie, et le Valais (3 chacun), Zoug, Appenzell Rhodes-extérieures et Bâle-Ville (2), puis Obwald, Bâle-Campagne, Appenzell Rhodes-intérieures et Glaris (1).
Cinq cantons attendent toujours d'envoyer l'un des leurs à Berne: Uri, Schwyz, Nidwald, Schaffhouse et le Jura.