La BNS a dit "regretter la décision et les circonstances" qui ont conduit à son départ et précisé que le vice-président, Thomas Jordan, assumera dans l'immédiat la présidence de l'institut d'émission.
L'établissement a également averti qu'il continuera à défendre "avec la plus grande détermination" le taux de changes plancher de 1,20 franc pour un euro décidé en septembre pour soutenir ses exportateurs, une mesure phare instaurée par Philipp Hildebrand.
Crédibilité de la BNS essentielle
La stabilité et la crédibilité de la BNS sont "essentielles pour l'économie et le bien du pays", affirme le gouvernement dans un communiqué publié lundi.
Le gouvernement espère que cette démission permettra à la Banque nationale de se consacrer à nouveau entièrement à sa tâche au service de la politique monétaire de la Suisse. Il affirme "respecter cette décision et regretter les développements de la situation qui ont conduit à cette démission".
A la tête de la direction de la BNS, Philipp Hildebrand a apporté la preuve de "ses hautes compétences en matière de politique monétaire, tout particulièrement en cette période de crise", souligne le Conseil fédéral. Et de le remercier vivement pour son grand engagement.
En revanche, Christoph Blocher ne se satisfait pas de la démission de Philipp Hildebrand. Le retrait, "tardif", du président de la Banque nationale, n'est pas suffisant, aux yeux du tribun UDC. Il s'agit désormais de renforcer la surveillance exercée sur la BNS.
A la question de savoir s'il a atteint son objectif avec la démission de Philipp Hildebrand, Christoph Blocher a fait la moue lundi devant la presse à Berne. "Nous n'avons pas des buts aussi modestes". Et l'ancien conseiller fédéral de critiquer le gouvernement et le conseil de banque. Ils ont couvert les agissements de l'ex-président de la BNS et ne prennent pas au sérieux leur rôle d'organe de surveillance.
Conseil de banque sur la sellette
Philipp Hildebrand a réalisé lui-même qu'il ne résisterait pas à la nouvelle enquête indépendante exigée par la BNS, a affirmé Christoph Blocher. Le prochain sur la sellette pourrait être le président du Conseil de banque Hansueli Raggenbass. "Il ne va pas pouvoir se maintenir en poste", selon le Zurichois.
Par ailleurs, l'UDC exige la tenue d'une session extraordinaire des Chambres fédérales sur la question; le nombre de signatures nécessaires a déjà été récolté, a affirmé Christoph Blocher lundi devant la presse. Autre revendication: une commission d'enquête parlementaire (CEP) doit faire la lumière sur l'affaire.
Sérénité à retrouver
Le PS
, pour sa part, considère qu'il est indispensable que la BNS puisse poursuivre son action. Il est impératif qu'elle retrouve rapidement sérénité, transparence et confiance. Le PS attend qu'elle continue à mener une politique active dans l'intérêt de la place économique ainsi qu'un engagement redoublé en faveur de la régulation de la place financière.
Le PLR et le président du groupe PDC au Parlement Urs Schwaller disent quant à eux "regretter mais comprendre" la décision de Philipp Hildebrand. "L'important à présent est de rétablir la confiance", estime le conseiller aux Etats fribourgeois. Urs Schwaller réclame également que "toute la lumière" soit faite sur la rupture du secret bancaire par la transmission de données de la banque Sarasin.
Si, pour les Verts, la démission était la suite logique des événements, elle est, pour le parti bourgeois démocratique (PBD), "un jour noir". Le PBD regrette cette décision et se dit effrayé par la campagne menée depuis plusieurs semaines contre Hildebrand et l'institution de la BNS.
De "grands services"
L'Association suisse des banquiers (ASB) regrette la démission de Philipp Hildebrand. Elle estime cependant que cette décision permet de sauvegarder et même de renforcer la crédibilité de l'institution d'émission monétaire.
Dans une prise de position lundi, l'association salue les grands services rendus par Philipp Hildebrand à la Suisse et à sa place financière lors de temps très difficiles. Elle souligne que les réseaux du Lucernois lui ont permis de représenter de manière optimale les intérêts helvétiques dans les instances internationales. L'ASB se dit confiante quant au futur de la politique monétaire de la BNS.
Economiesuisse espère que la démission de Philipp Hildebrand apportera le calme au sein de la Banque nationale suisse (BNS). L'association faîtière loue le travail du banquier central, mais demande aussi un renforcement des règles concernant les transactions des dirigeants de la BNS.
agences/lan
"Un jour noir pour la Suisse"
Interview du Professeur Luc Thévenoz, de l'Université de Genève
Est-ce que le départ de Philipp Hildebrand est une surprise pour vous?
Je suis surpris car j'ai jugé les explications de Philipp Hildebrand convaincantes lors de sa conférence de presse de jeudi passé. Les médias avaient d'ailleurs plutôt bien réagi. L'hypothèse d'une démission me semblait donc s'éloigner.
Selon vous, quelles sont les raisons de cette démission?
Pour moi, l'explication la plus convaincante est que Philipp Hildebrand a quitté son poste pour sauver son honneur. Il a pris cette décision pour réaffirmer sa crédibilité et son intégrité. S'il était resté, le soupçon sur les achats de devises aurait perduré et cela aurait pu entraver son action à la tête de la Banque nationale.
Comment faut-il interpréter ce départ?
C'est sans aucun doute un jour noir pour la Suisse. Philipp Hildebrand avait une position unique dans les instances internationales alors que notre pays, écarté du G20, est marginalisé dans les débats sur la régulation financière mondiale. Son départ est donc une très mauvaise nouvelle pour notre pays.