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L'espionnage d'Attac par Nestlé jugé au civil

Susan George, écrivaine franco-américaine, militante altermondialiste et présidente d'honneur d'Attac, lors de son arrivée au tribunal de Lausanne mardi. [KEYSTONE - Sandro Campardo]
Susan George, écrivaine franco-américaine, militante altermondialiste et présidente d'honneur d'Attac, lors de son arrivée au tribunal de Lausanne mardi. - [KEYSTONE - Sandro Campardo]
Quatre ans après la révélation de l'affaire, l'infiltration d'Attac par Securitas pour Nestlé semble laisser encore des plaies ouvertes. Le procès civil de l'affaire a débuté mardi à Lausanne. Deux ans et demi après le non-lieu au pénal, les militants ont souligné à quel point ils ont souffert d'avoir été espionnés.

Peur, panique, déstabilisation, méfiance contre les autres, angoisse d'être observé ou crainte d'utiliser son téléphone ou son courrier électronique : les témoignages ont montré mardi au tribunal de Lausanne à quel point les victimes n'ont pas oublié ce qui leur est arrivé. Les altermondialistes d'Attac demandent 27'000 francs de réparation morale et la reconnaissance du caractère illicite de l'opération.

L'affaire avait été mise au jour en juin 2008 par "Temps Présent". Les altermondialistes, qui préparaient un livre "Attac contre l'empire Nestlé", avaient en leur sein une taupe, avait révélé l'émission de la TSR. La jeune femme faisait semblant de s'intéresser à la cause défendue, mais transmettait en fait des rapports à Securitas qui les faisait suivre à Nestlé.

Classée par un non-lieu au pénal en juillet 2009 (lire: Securitas), l'affaire a connu mardi le premier des deux jours de son procès civil. Pour Susan George, présidente d'honneur d'Attac France et auteure d'une quinzaine de livres, "l'invasion de mon espace personnel m'a profondément choqué", surtout que "ça s'est passé en Suisse", a-t-elle affirmé.

Vive tension à l'époque

Les ressentiments sont forts, en grande partie parce que ces militants s'affirment complètement "pacifiques", avec comme seule volonté d'apporter plus de justice dans le monde. En face, les différents responsables de Nestlé appelés à témoigner sont restés de marbre.

La manifestation de José Bové et de ses "acolytes" au siège de Nestlé en mars 2003, avec déprédations et vitres cassées, a visiblement inquiété la multinationale, d'autant que le Français avait averti qu'il ne s'agissait là que d'"un apéritif".

Avec le Sommet du G8 à Evian début juin 2003 en plus, l'atmosphère était chaude et Nestlé tenait à "connaître son environnement", selon le mot de l'ancien chef de presse du groupe François-Xavier Perroud.

Les responsabilités exactes dans l'initiative d'infiltrer Attac demeurent cependant floues. A en croire Nestlé, c'est bien Securitas qui aurait annoncé disposer d'une personne au sein du groupe altermondialiste et prête à fournir des renseignements réguliers, à savoir celle qui s'est faite appeler Sara Meylan.

Une espionne devenue punk

Mardi, juste après l'ancien secrétaire général de Nestlé, l'espionne a fait son apparition en punk, cheveux noirs, blouson de cuir et capuchon. Méconnaissable assurément pour ceux qui l'avait déjà vue par le passé. Ferme et claire dans ses réponses, elle a reconnu sans ciller avoir fait ce travail avec "sa conscience professionnelle".

Si elle y a mis fin, c'est parce que sa double existence devenait trop difficile à gérer et qu'elle avait envie d'avoir sa propre vie privée. Les réponses de Sara Meylan, comme celles d'autres responsables de Nestlé, ont montré à quel point les tâches avaient été cloisonnées dans cette affaire.

Un chef de presse adjoint a reconnu qu'on lui donnait des chapitres du futur livre sur Nestlé. Il a dit s'être efforcé d'en corriger les erreurs factuelles, sans trouver étrange qu'Attac soumette son texte à la multinationale et sans se demander par quel chemin les pages parvenaient sur son bureau.

ats/dk

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De nombreuses zones d'ombre

Pour beaucoup de militants présents mardi, l'affaire demeure encore pleine de zones d'ombres.

Combien de temps a duré véritablement l'infiltration, combien de taupes ont travaillé puisque l'on sait que Sara Meylan n'était pas la seule ?

Autant de questions que certains se posent toujours aujourd'hui.

Sans parler de l'usage exact qui a été fait de toutes ces informations, notamment lorsqu'elles touchaient des personnes à l'étranger.