Zenade est l’une des affaires les plus secrètes du régime Ben Ali. En été 2008, l’ex-dictateur, sa femme Leila et son beau-frère Belhassen Trabelsi organisent la vente de deux hôtels de luxe: le Karthago de Djerba et celui d’Hammamet.
Selon le rapport de la Commission tunisienne d’investigation sur la corruption que la RTS a pu consulter, le montant de la transaction avoisine 146,6 millions de dinars tunisiens (soit 128,3 millions de francs). L’acheteur de ces hôtels était LAICO, un fonds d’investissement libyen alors dirigé par l’entourage proche du colonel Mouammar Kadhafi. Contactée par la RTS, LAICO en Tunisie n’a pas répondu à nos courriels.
En 2008, la transaction immobilière réalisée par le clan Ben Ali est complexe. A l’origine, ces deux hôtels appartiennent à deux sociétés tunisiennes – la SERT et la COMMERT –, elles-mêmes détenues par Leila Trabelsi, l’épouse de l’ex-dictateur, son frère Belhassen et la société Zenade Ressources Limited (ZRL), une société offshore basée dans le paradis fiscal des Iles Vierges britanniques. Une société qui appartiendrait, selon une source à Tunis, à Ben Ali lui-même. Lors de la vente, des transactions convergent vers cette société offshore et sa jumelle, la Zenade Finance Limited (ZFL), encore inscrite dans les Iles Vierges.
D’autres montages existent
Selon des documents en mains de la RTS, les deux comptes des sociétés jumelles Zenade se trouvent alors à HSBC Private Bank à Genève (CH 8708 6890 5091 2575 432 et CH 4108 6890 5091 4450 106).
Dans le cas Zenade, les enquêteurs ont pu pister l’arrivée d’au moins 44,1 millions de dinars (soit 38,6 millions de francs). La justice tunisienne a demandé l’entraide aux autorités pénales suisses. Confronté aux documents obtenus par la RTS, l’avocat de la Tunisie confirme l’existence du montage Zenade. "J’en avais connaissance et il y en a d’autres de ce type", explique Enrico Monfrini, chargé de la restitution des avoirs du clan en Suisse comme à l’étranger.
"Je ne connais pas exactement le rôle de cette banque, mais si elle devait avoir joué un rôle actif, ce serait navrant de voir que des banques en Suisse n'ont pas compris la portée des lois contre le blanchiment." L’avocat n’a eu accès au dossier pénal suisse que le 22 mars 2012, après une décision du Tribunal de Bellinzone et cinq mois d’attente. (Lire: La Tunisie aura accès à la procédure ouverte en Suisse sur les fonds Ben Ali)
Avocats et perquisitions
Interrogée par la RTS, HSBC Private Bank n’a pas souhaité réagir. "La banque étant liée au secret bancaire, nous ne pouvons pas légalement vous répondre ou commenter", écrit un porte-parole de l’établissement.
Un établissement qui, comme la RTS le révélait en septembre 2011, héberge encore le compte propre de Belhassen Trabelsi, beau-frère de l’ex-dictateur et grand organisateur des intérêts du clan. Un compte dont le solde se montait à 11 millions de francs suisses. De l’argent bloqué par Berne. (Lire: Fonds tunisiens)
HSBC n’est pas la seule concernée. Toujours selon la RTS, le cabinet d’un avocat genevois a été visité par la police judiciaire fédérale et le Ministère public de la Confédération. Il est soupçonné d’avoir été un des hommes de paille du clan Ben Ali–Trabelsi. Au moins deux autres avocats seraient impliqués dans des affaires connexes. Leurs études auraient aussi fait l’objet de mesures confiscatoires.
Pour mémoire, la Suisse a bloqué environ 60 millions de francs d’avoirs tunisiens le 19 janvier 2011. A cette date, le Ministère public de la Confédération ouvrait rapidement une enquête pénale contre le clan Ben Ali–Trabelsi. La transaction sur le cas Zenade représente, à elle seule, la moitié des sommes alors confisquées par le Conseil fédéral.
Yves Steiner