Les hôpitaux suisses sont de plus en plus confrontés à des ruptures de stock touchant principalement certains médicaments tombés dans le domaine public, des anticancéreux notamment.
A cause des marges de plus en plus faibles, la branche pharmaceutique doit "se plier à l'économie de marché habituelle et les entreprises travaillent de plus en plus en flux tendu", explique André Pannatier, chef du Service de pharmacie du CHUV à Lausanne, revenant sur des informations de la "Sonntagszeitung" et du "Matin Dimanche".
Conséquence: des ruptures de stock, "rares par le passé mais qui deviennent de plus en plus fréquentes". Des problèmes qui vont "crescendo depuis 2011". Ainsi, le CHUV avait épuisé son stock de Cisplatine, un anticancéreux connu depuis longtemps et très utilisé. Comme d'autres grands hôpitaux suisses il a dû se fournir en Allemagne en attendant la prochaine livraison promise pour la mi-avril. "Une quinzaine de médicaments posent problème", selon le Pr Pannatier. Les grands hôpitaux sont les plus touchés car c'est là que se concentrent les médicaments anticancéreux.
" Un grave problème"
Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), ce sont pas moins d'une cinquantaine de médicaments qui sont actuellement en attente de livraison. "C'est un grave problème qui nous occupe quelques heures chaque jour", indique Laurence Cingria, responsable assurance-qualité à la pharmacie des HUG. Différentes préparations sont concernées, y compris des vaccins qui "manquent régulièrement".
Dans certains cas, l'hôpital se voit contraint de reprendre l'original, même s'il coûte plus cher que le générique. Ou de se fournir en Allemagne, pays plus grand que la Suisse avec de nombreux "génériqueurs". "Chaque produit pose un problème différent", note Laurence Cingria. Parfois, le médicament est remplacé par une autre préparation.
Problèmes de qualité
S'y ajoutent des problèmes de qualité, les matières premières provenant surtout d'Inde ou de Chine. "Ces deux pays produisent entre 70% et 80% des principes actifs génériques", explique encore le Pr Pannatier et dans 75% des cas, les certificats suspendus ou retirés pour défaut de qualité concernaient ces deux pays.
"Les usines chinoises sont cinq fois moins inspectées que les sites européens", précise le pharmacien-chef. Le Pr Pannatier n'est "pas très optimiste" pour l'avenir: "Il faut une prise de conscience des autorités politiques au niveau supra-national" afin de faire pression sur les pays producteurs.
Avec comme corollaire probable une hausse des prix. "On ne peut plus agir que sur un seul levier, les prix, et rogner les marges. Si on augmente les exigences, les prix aussi vont augmenter", conclut le spécialiste.
ats/lan