Dans ses considérants, le président Jean-Pierre Lador rappelle que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation. Si à l'issue des débats, le juge ne parvient pas à se forger une conviction excluant tout doute sérieux, la présomption d'innocence doit s'imposer. Cette présomption d'innocence est violée lorsque le magistrat rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence.
Doute sur le déroulement des faits
En l'espèce, le tribunal est "convaincu" que la belle-mère de l'accusé, municipale de Vaux-sur-Morges, a "bel et bien fait l'objet d'une agression" qui a provoqué une importante hémorragie, puis son décès le 9 janvier 2010. Mais il existe "un doute sérieux" sur le déroulement des faits et sur l'implication du prévenu dans ce drame, un doute qui doit profiter à l'accusé.
Certes, le soir du drame, le prévenu a tardé à appeler les secours et a nettoyé le sang avant leur arrivée, se changeant à deux reprises. Il a aussi modifié sa version sur l'origine des griffures qu'il portait au visage et au cou. Mais ces éléments ne sont "de loin pas suffisants" pour établir un "faisceau d'indices pouvant emporter l'intime conviction du tribunal", écrit le président.
Le tribunal écarte d'un revers de la main l'expertise du professeur Dominique Lecomte, qui concluait à une chute dans les escaliers. Ce document, commandé par l'accusé, "répond manifestement à ce qu'en attendaient les avocats de la défense". Mais la Cour reprend les conclusions du professeur Michael Fried, gastroentérologue zurichois, qui n'exclut pas que la victime soit décédée avant l'arrivée de L.S. au moulin de Vaux-sur-Morges (VD).
"Déjà à ce stade, un doute sérieux et irréductible s'impose", estime le tribunal. Au passage, le tribunal lance une pique aux enquêteurs qui n'ont "pas jugé utile" de procéder à des contrôles ADN sur le contenu du lave-vaisselle ou les objets posées sur l'évier. "Il en résulte qu'aucun ADN de tiers n'a été analysé", les spécialistes se limitant à analyser les traces de sang visibles sur les lieux.
Ni mobile, ni arme du crime
De plus, l'arme du crime n'a pas été retrouvée. Il n'est pas certain que le marteau retrouvé avec des traces de sang soit l'arme de l'agression. Le mobile est également inexistant, souligne la Cour. Ce Noël 2009-2010 était une période heureuse pour le prévenu, dont le livre avait eu beaucoup de succès en France. L'accusé s'apprêtait à reprendre la librairie de livres anciens créée par son père, à Lausanne.
Mais ni les témoignages de deux témoins, ni les explications des parties civiles n'amènent "d'éléments probants suffisants" pour attester d'une dispute entre l'accusé et sa belle-mère, liée à cette reprise de la librairie. Au final, le Tribunal a décidé de libérer le prévenu du chef d'accusation de meurtre, comme il l'avait sommairement annoncé le 1er juin.
Le Ministère public et les parties civiles - le frère et les soeurs de la victime représentées par Me Jacques Barillon - ont vingt jours pour faire appel de ce jugement. Ils annonceront ultérieurement leur décision. L.S. est sorti de prison quelques heures après l'annonce du verdict, le 1er juin au soir.
ats/bkel