En visite à Paris jeudi, le chef de la diplomatie helvétique Didier Burkhalter a discuté avec son homologue français Laurent Fabius de la nouvelle convention sur les successions entre la Suisse et la France. Les deux ministres souhaitent revoir les points litigieux.
Les deux ministres ont ainsi conclu qu'une "pause de réflexion" serait bénéfique afin d'éventuellement rediscuter certains points litigieux avant la signature définitive du document par le Conseil fédéral.
L'accord Rubik
Toujours au niveau fiscal, Didier Burkhalter a défendu auprès de Laurent Fabius l'accord Rubik qui règle les problèmes d'évasion fiscale en Suisse. Jusqu'à présent, la France s'était montrée hostile à cette solution qui préserve la sphère privée, lui préférant l'échange automatique d'informations. "Laurent Fabius a écouté notre position et manifesté la volonté d'étudier le dossier", a affirmé le conseiller fédéral.
Les deux ministres sont d'avis que ces discussions fiscales devraient avoir lieu à une échelle globale avec les pays de l'Union européenne. L'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Autriche ont d'ores et déjà accepté l'accord Rubik.
Didier Burkhalter et Laurent Fabius ont également discuté d'une future visite de François Hollande en Suisse, appelée de ses voeux par la présidente Eveline Widmer-Schlumpf. Sur le dossier européen, Didier Burkhalter a expliqué à son homologue français la position de la Confédération relative aux questions institutionnelles. "La Suisse refuse d'appliquer le droit européen automatiquement et de lâcher son droit de référendum.
"Bon feeling"
L'actualité internationale, et en particulier la crise syrienne, était également au menu des discussions. Didier Burkhalter a défendu l'initiative suisse contre l'impunité des crimes en Syrie à laquelle la France s'est ralliée. "
De manière générale, Didier Burkhalter a dit ressentir "un bon feeling" en ce qui concerne ses relations avec Laurent Fabius. "Je l'ai déjà rencontré trois fois, nous commençons à nous connaître", a-t-il commenté. Les deux ministres veulent créer un "environnement positif" afin d'intensifier la coopération entre les deux pays, y compris au niveau fiscal.
ats/pym
L'argent, pomme de discorde récurrente
Lorsque les relations franco-suisses , globalement très bonnes, se crispent, c'est en général autour de questions de gros sous: l'ancien président Nicolas Sarkozy voulait taxer "ses" exilés fiscaux, et, pour ce faire, il fallait renégocier la convention de double imposition franco-suisse. Jean-Luc Mélenchon du Front de Gauche, lui, qualifiait carrément la Suisse de "coffre-fort de tous les voyous de la terre".
C'est depuis le début de la crise en 2008, que le secret bancaire "Made in Switzerland" est vraiment devenu la cible de Paris.
En mars 2009, la ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey avait insisté auprès de son homologue français Bernard Kouchner pour que la Suisse ne soit pas considérée comme un paradis fiscal, mettant en avant la décision du Conseil fédéral d’assouplir le secret bancaire.
Bernard Kouchner avait qualifié cette mesure de "pas dans la bonne direction". Un mois plus tard,l’OCDE avait néanmoins inclus la Suisse dans sa «liste grise» des pays s’étant engagés à respecter les standards internationaux mais ne les ayant pas substantiellement appliqués.
Cette décision avait suscité une vive colère à Berne. La Suisse mettra cinq mois à quitter cette fameuse liste grise.
"Nicolas Sarkozy a probablement un problème avec nous", déclarait Micheline Calmy-Rey en novembre 2011, après de nouvelles déclarations du président français voulant mettre la Suisse "au ban de la communauté internationale".
Et puis il y a Rubik: cet accord conclu avec le Royaume-Uni et l’Allemagne qui introduit un impôt libératoire sur les avoirs des ressortissants de ces pays tout en préservant leur anonymat: pas plus tard qu'en juin dernier, en visite en Suisse (dans le cadre d’une enquête parlementaire sur l’évasion fiscale!), trois sénateurs français ont dit tout le mal qu’ils pensaient de Rubik , selon eux, pratiquement synonyme d'amnistie fiscale.