L'initiative de la Ligue pulmonaire qui voulait tordre le cou aux établissements fumeurs et aux fumoirs avec service a été balayée dimanche par 66% des votants.
Même les cantons qui connaissent déjà une législation stricte se sont montrés très réservés. Ainsi Genève n'accepte le texte de la Ligue pulmonaire que du bout des lèvres (51,8%).
Tous les autres cantons romands repoussent l'initiative. Vaud l'a rejetée à 61,7%, Neuchâtel à 64,4%, Fribourg à 66,1%, le Valais à 68,2%.
Dans le Jura, le non s'élève à 71,91%. La commune de Boncourt sur laquelle est installée l'usine de British American Tobacco rejette massivement l’initiative avec 88,17% de non.
Pas de tour de vis
La majorité n'a pas souhaité durcir une législation en vigueur depuis seulement mai 2010. La loi fédérale actuelle pose une interdiction de fumer de principe dans les lieux publics et au travail. Mais elle prévoit une série d'exceptions, tout en laissant toute latitude aux cantons d'être plus sévères.
L'initiative avait pour objectif de renforcer la protection de la population contre le tabagisme passif en étendant l'interdiction de fumer à tous les lieux de travail et espaces publics fermés, tout en prévoyant des exceptions.
Les établissements fumeurs, jusqu'à 80 m2, sont donc autorisés dans onze cantons (AG,AI,GL,JU,LU,NW,OW,SH,SZ,TG,ZG). Ces derniers plus sept autres (AR,BE,GR,SO,TI,UR,ZH) connaissent les fumoirs avec service.
Huit cantons (BL,BS,FR,GE,NE,SG,VD,VS) ne permettent ni l'une ni l'autre de ces solutions.
ats/mre
La ligue pulmonaire et la gauche déçues
La ligue pulmonaire suisse s'est dite surprise et très déçue par le net rejet de son initiative.
Elle espère qu'il n'y aura pas d'assouplissement en matière de tabagisme passif, a dit à l'ats dimanche Sonja Bientenhard, directrice de la ligue pulmonaire suisse.
Pour autant, elle ne pense pas que le résultat de la votation soit un signal pour plus de tolérance envers la fumée.
A gauche, la déception prévaut. La conseillère nationale Silvia Schenker (PS/BS) craint notamment que les restrictions plus sévères adoptées par certains cantons soient désormais remises en question. Les citoyens de ces cantons n'ont pas suffisamment pris conscience que ces règles plus restrictives auraient dû être confirmées sur le plan fédéral, regrette-t-elle.
Même écho du côté de l'Union syndicale suisse. Il appartient maintenant aux cantons de garantir la protection des travailleurs.
Pour Jacques de Haller aussi, le rejet est "une occasion manquée". L'enjeu concernait un vrai problème de santé publique, estime le président de la Fédération des médecins suisses.
La conseillère nationale Yvonne Gilli (Verts/SG) se montre critique. Les initiants "n'ont pas réussi à faire comprendre que leur initiative portait sur la protection des employés".
Alain Berset satisfait
Le conseiller fédéral Alain Berset s'est réjoui du résultat sorti des urnes.
Le refus de l'initiative de la Ligue pulmonaire n'est pas un "non" à la protection contre la fumée passive, qui reste importante, a souligné le ministre de la Santé.
Selon lui, les citoyens ont simplement refusé de modifier une loi deux ans après son entrée en vigueur.
Opposants soulagés
Le camp bourgeois, la gastronomie et l'industrie du tabac se réjouissent du rejet de l'initiative sur la fumée passive, qu'ils jugeaient excessive.
Les libertés individuelles ont primé, réagit la conseillère nationale Céline Amaudruz (UDC/GE). Une loi fédérale existe déjà, une protection suffisante, selon elle.
La solution actuelle est "excellente, aller plus loin aurait été excessif", renchérit Christophe Darbellay, président du PDC, alors que la loi fédérale est entrée en vigueur il y a deux ans.
Pour Ruedi Noser (PLR/ZH), membre du comité du "non", la question de l'interdiction de fumer est close. Le conseiller national insiste aussi sur le fait que le "non" ne doit pas être interprété comme un vote pour une libéralisation de la législation actuelle. C'est au contraire "un vote clair pour le statu quo".
Le PBD salue le verdict, parce que l'initiative aurait eu des graves conséquences pour les restaurants dans certaines régions.
Le rejet de l'initiative permettra aux hôteliers et restaurateurs de planifier l'avenir, explique le directeur d'hotelleriesuisse Christoph Juen. Avec ce texte, des hésitations demeuraient pour plusieurs projets, qui pourront désormais voir le jour. La branche a investi d'importantes sommes dans les fumoirs.
"Les Suisses ont fait preuve de bon sens", réagit pour sa part le président de GastroSuisse Klaus Künzli. Ils ont compris que "l'initiative était radicale et inutile".
L'industrie du tabac se réjouit aussi du résultats des urnes. Après dix ans de durcissements en la matière, le peuple souhaite prendre le temps de la réflexion, estime le conseiller aux Etats Hans Hess (PLR/OW) et président de la Communauté du commerce suisse en tabacs. La branche mise sur des progrès techniques pour protéger les gens contre la fumée passive.
La loi actuelle est un "bon compromis" entre fumeurs et non-fumeurs", estime pour sa part Japan Tobacco International.
Pour Heinrich Villiger, propriétaire du fabricant lucernois de cigares du même nom, le refus de l'initaitive est un signe que le peuple ne veut pas plus de restrictions en matière de fumée.
Un constat que partage economiesuisse. Les citoyens ont donné un "signal contre les excès d'une société qui multiplie les interdictions", dit son président Pascal Gentinetta.