La pression de l'actualité a été extrêmement forte en 2011, ont rappelé les chercheurs de l'Université de Zurich qui ont publié vendredi leur étude annuelle sur la qualité des médias helvétiques. Parmi les événements majeurs, l'aggravation de la crise économique, les bouleversements dans le monde arabe et les élections en Suisse ont mis le journalisme à l'épreuve.
Contextualisation et objectivité en baisse
Les auteurs de l'enquête constatent "avec satisfaction" que les médias d'information se sont penchés "plus intensément" sur les nouvelles sérieuses et que les nouvelles de divertissement ont diminué par rapport à 2010. Cela se vérifie à des degrés divers pour les onze catégories de médias prises en compte.
Les chercheurs tempèrent néanmoins leur enthousiasme. Ils observent que la presse met globalement moins les événements dans leur contexte et perd parfois en objectivité en privilégiant les facteurs émotionnels.
Cela se vérifie par exemple pour les journaux gratuits en ligne, les radios et télévisions privées. En revanche, la radio et la télévision publiques ont réussi à nettement améliorer l'objectivité et la mise en perspective des informations diffusées.
Politique bien lotie
Au sujet de la couverture de la campagne des élections fédérales, les auteurs déplorent que les médias n'ont pas amélioré leur couverture politique durant les six semaines précédant le scrutin, par comparaison au reste de l'année. Celle-ci a été souvent épisodique et "presque sans mise en perspective".
Le rapport nuance toutefois, précisant que les journaux par abonnement ont fourni une couverture "riche et variée". Les journaux dominicaux se sont concentrés davantage sur les personnes et les aspects moraux et émotionnels. La presse gratuite n'a accordé qu'une attention modérée à ces élections.
L'ensemble des médias s'est cependant davantage intéressé aux élections au Conseil fédéral que les années précédentes. La raison: la personnalisation accrue des sept Sages.
La presse et la criminalité
Le rapport s'est aussi intéressé au traitement de l'actualité liée à la criminalité. Il pointe le fait que la presse écrite s'attache particulièrement aux actes pédophiles, aux homicides précédés d'un délit sexuel et aux crimes portant atteinte à la vie. Ces actes y sont surreprésentés par rapport aux statistiques 2011 de la police.
Pour les chercheurs, la multiplication d'articles sur ce type d'actes est pour une large part déterminée par des campagnes de l'UDC et par des stratégies de tel ou tel journal. Cela a pour effet d'augmenter le sentiment de menace au sein de la population et d'influencer la discussion sur la révision du Code pénal.
ats/dk
La Libye, sujet le plus traité en 2011
Issue d'un mouvement de contestation populaire, la guerre civile libyenne a été l'événement médiatique qui a le plus attiré l'attention des médias helvétiques l'an dernier.
Cette importance s'explique notamment par le fait que les événements en Libye se sont succédé durant huit mois, expliquent les auteurs de l'étude.
La révolution libyenne a accaparé 18,5% de l'ensemble des manchettes et de la couverture de l'actualité sur l'ensemble de l'année, selon l'étude.
Les élections fédérales suivent avec 10%. Troisième, la catastrophe de Fukushima (8%) est quasi à égalité avec le Pacte européen de stabilité concernant les finances publiques des Etats membres.
La révolution en Egypte occupe la cinquième place (7%). Les débats sur la politiques énergétique de la Suisse après la catastrophe de Fukushima se classent en sixième position.
L'élection au Conseil fédéral arrive en septième place, devant l'évolution de la conjoncture économique en Suisse, le conflit en Syrie neuvième et l'affaire Strauss-Kahn.
La presse en ligne et le "fossé qualitatif"
L'étude met aussi le doigt sur les disparités de qualité entre les éditions imprimées et leur version en ligne. Le "fossé qualitatif" est particulièrement marqué dans les titres de Tamedia en Suisse romande.
Les auteurs expliquent cette situation par la prépondérance de ce groupe de presse et la concentration des médias plus avancée en terres romandes qu'outre-Sarine. Cela se traduit par une diminution de la concurrence sur la qualité en Suisse romande.
D'une façon générale, seules des "subventions massives" seraient en mesure d'améliorer la qualité du journalisme en ligne en Suisse afin qu'elle égale à peu près celle de la presse imprimée, suggèrent les auteurs.
Il pourrait s'agir soit d'aides financières provenant d'excédents d'autres secteurs d'activité, soit un apport de contenus de la presse imprimée.