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Des avocats suisses ont aidé leurs clients à créer des sociétés offshore

L'avocat suisse Peter Hafter a organisé la création de sociétés écrans et de quatre trusts, tous établis dans les îles Cook (photo), entre 1994 et 1996, selon les documents d'Offshore Leaks.
L'avocat suisse Peter Hafter a organisé la création de sociétés écrans et de quatre trusts, tous établis dans les îles Cook (photo), entre 1994 et 1996.
Des familles célèbres, comme celle de Gunter Sachs, les Thyssen ou les Rothschild, ont bénéficié des conseils de 200 à 300 avocats suisses pour créer des sociétés offshore, selon des documents Offshore Leaks en possession du Matin Dimanche.

En jargon d'avocat d'affaires on parle de protection de patrimoine. Le fisc, lui, qualifie cela de soustraction fiscale. La technique a été appliquée par des centaines d'avocats et de fiduciaires suisses, de Genève à Saint-Gall, qui ont ainsi aidé "des clients du monde entier à monter des sociétés offshore et des trusts, afin de préserver leur patrimoine des appétits du fisc ou d'héritiers trop pressants", révèle Le Matin Dimanche, en possession des 2,5 millions de documents des Offshore Leaks.

Implication de l'avocat zurichois Peter Hafter

Ils seraient ainsi entre 200 et 300 avocats suisses impliqués. Parmi eux Peter Hafter, l'un des piliers de Lenz & Staehelin, le plus grand cabinet de suisse, aujourd'hui retraité. Il avait notamment défendu Elisabeth Kopp ou Martin Ebner.

"Il a participé au montage financier de quelques-unes des plus grandes fortunes d'Europe, comme le banquier Elie de Rothschild et l'industriel Hans Heinrich Thyssen", rapporte le journal dominical.

Ancien mari de Brigitte Bardot, le photographe et homme d'affaires Gunter Sachs fait partie des clients fortunés conseillés par des avocats suisses sur la soustraction fiscale. Domicilié à Berne jusqu'à sa mort en 2011, il n'avait jamais déclaré au fisc ses trusts aux îles Cook. [KEYSTONE - Uli Deck]
Ancien mari de Brigitte Bardot, le photographe et homme d'affaires Gunter Sachs fait partie des clients fortunés conseillés par des avocats suisses sur la soustraction fiscale. Domicilié à Berne jusqu'à sa mort en 2011, il n'avait jamais déclaré au fisc ses trusts aux îles Cook. [KEYSTONE - Uli Deck]

Parmi ses clients figure aussi le photographe d'origine allemande, héritier de la dynastie von Opel, Gunter Sachs. Pour lui, Peter Hafter s'est chargé de créer des sociétés écrans et des trusts, tous dans les îles Cook.

Dossiers rouverts par le fisc

Les premiers effets de ces révélations ne se sont pas fait attendre. La porte-parole de l'administration fiscale bernoise a annoncé jeudi que le dossier d'un de ses contribuables allait être rouvert.

Toutefois, pour l'instant, comme l'explique Le Matin Dimanche, "les autorités fiscales, qu'elles soient suisses ou étrangères, n'ont quasiment aucune chance de trouver de tels avoirs offshore quand ils ne sont pas déclarés. Pourtant, il est très probable que par des voies plus ou moins détournées, des inspecteurs des impôts aient finalement accès, eux aussi, aux données des Offshore Leaks."

lgr

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Après les banques, les avocats

La réputation de la Suisse risque d'en prendre un nouveau coup. Comme le relève Le Matin Dimanche, "une fois de plus, des Suisses seraient accusés d'avoir facilité la soustraction fiscale de clients étrangers. Après les banques, ce serait au tour des avocats de subir la pression internationale."

De son côté, le président de la Fédération suisse des avocats (FSA) Beat von Rechenberg estime que 200 avocats au maximum en Suisse sont concernés par l'affaire Offshore Leaks. "Sur 9000 membres, cela fait 2%", souligne-t-il. Sur ce nombre, de 30 à 40 seraient Genevois.

Le président de la FSA ne peut exclure qu'un avocat puisse être arrêté à la frontière ibérique s'il a monté des structures offshore pour, par exemple, des dizaines de clients espagnols. Selon lui, une minorité des cas de soustractions d'impôts révélées se sont faites au détriment du fisc helvétique.

Dans le cas d'une aide de la part d'un avocat suisse, se pose surtout la question si celui-ci travaille avec soin et diligence, comme l'exigent les règles professionnelles. La sanction la plus sévère serait une interdiction d'exercer le métier.

Beat von Rechenberg souligne cependant que dans les révélations actuelles, toutes les sociétés offshore sont tout d'un coup suspectées. Or il s'agit de mises en forme contractuelles tout à fait légitimes, notamment pour régler des successions familiales.

Des banques cantonales impliquées

La Banque cantonale de Saint-Gall et sa filiale Hyposwiss apparaissent dans les documents d'Offshore Leaks. Selon la SonntagsZeitung, la banque aurait durant une courte période proposé de mettre à disposition de ses clients des offres Offshore.

Les Banques cantonales des Grisons, de Lucerne et de Zurich sont aussi citées.

Les cantons attendent une réaction de la Confédération

Les cantons exigent une réaction des autorités politiques dans l'affaire des paradis fiscaux dite "Offshore Leaks". "L'Etat doit intervenir de manière conséquente", estime Christian Wanner, président de la Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDF).

"Avec les uns, on chipote sur de petites déductions professionnelles alors que d'autres pourraient tranquillement soustraire des millions?", s'interroge le conseiller d'Etat soleurois dans une interview accordée au "Matin Dimanche" et à la "SonntagsZeitung".