Amir, 24 ans, a fui la Syrie du jour au lendemain, sans pouvoir emmener sa famille. Membre des services secrets du régime, il est parti pour ne pas être obligé de se salir les mains: "On nous obligeait à torturer les gens. Je ne veux pas participer à ce bain de sang, à cette tuerie."
Seules 331 admissions sur 2156
Amir fait partie des 2156 dossiers de demande d’asile de Syriens déposés à l’Office fédéral des migrations (ODM) depuis 2011. Pour l’heure, seuls 331 d'entre eux ont obtenu une réponse positive.
Parmi les détenteurs du précieux sésame, deux contingents de 36 et 37 personnes ont été admis en Suisse. Il s’agit de familles sélectionnées sur le terrain par le Haut Commissariat aux Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), des familles considérées comme particulièrement menacées. Les autres attendent une décision de Berne depuis des mois.
Cas non prioritaires
Denise Graf, spécialiste de l’asile à Amnesty international, affirme que "la politique de la Suisse n'est pas très humaine. Depuis avril, elle ne renvoie pas les Syriens dans leur pays mais elle refuse de reconnaître comme réfugié une personne qui a simplement, entre guillemets, fui la guerre."
Si les décisions sont prises si lentement, c’est pour éviter un appel d’air, selon Denise Graf : "Ils ne veulent pas que la Suisse soit attirante pour les personnes qui ont fui la Syrie." La responsable de l’asile chez Amnesty juge la situation inadmissible : "Cela met les gens dans une situation très difficile, dans la mesure où ils ne peuvent pas faire venir leurs familles, qui restent dans un pays en guerre ou dans un pays limitrophe, dans des camps pour réfugiés."
Depuis 2011, les cas syriens n'ont pas été considérés comme prioritaires par l'ODM. "Les demandes d'asile ont augmenté de 200% en deux ans et nous avons de gros problèmes d'hébergement. Ils n’étaient pas prioritaires", reconnaît Mario Gattiker, le directeur de l'ODM qui admet que la situation doit clairement être améliorée. "Mais l'important c’est que nous ne les renvoyons plus en Syrie".
Vers un troisième contingent
"Nous favorisons l'aide sur place, poursuit Mario Gattiker, mais il n'est pas exclu que la Suisse accorde un jour l’admission provisoire à tous les requérants syriens."Dans les années 1990, pendant la guerre du Kosovo, les Kosovars avaient bénéficié d'une telle mesure. Ils sont retournés dans leur pays à la fin du conflit.
Mario Gattiker n'exclut pas non plus que la Suisse accepte un troisième contingent de réfugiés: "Tout dépendra de la situation sur le terrain et des intentions du Haut Commissariat aux Réfugiés, explique-t-il. La Suisse a déjà signalé au HCR qu'elle est ouverte à une nouvelle demande."
Quant à Amnesty international, elle réclame la reprise de la politique des contingents pour permettre un accueil plus généreux de réfugiés. L'organisation estime que dans le contexte actuel, il faudrait accueillir en Suisse environ 500 Syriens par an. Un million et demi de Syriens sont actuellement réfugiés hors de Syrie et leur nombre augmente chaque jour.
Anne-Frédérique Widmann et Cynthia Gani/vkiss
Renvoi des "cas Dublin"
La Suisse renvoie les réfugiés syriens dans les autres pays européens lorsqu'ils sont des "cas Dublin", c'est-à- dire lorsqu'ils ont été enregistrés dans un autre pays avant d'arriver en Suisse.
La Suisse n'accepte plus que des demandes d’asile soient déposées dans les ambassades. La plupart des Syriens arrivent donc en Suisse via la Turquie ou la Grèce, par exemple, et doivent faire appel à des passeurs qui leur demandent, selon un témoignage recueillis par la RTS "jusqu’à 25'000 euros par famille".
En Suisse depuis parfois plus d’un an, certains de ces réfugiés de la guerre craignent d’être renvoyés dans des pays européens, notamment l’Italie et l’Espagne, des pays en crise qui n'ont pas les moyens de venir en aide aux réfugiés.