Les relations entre la Suisse et le régime de l'apartheid ont été scrutées par des experts dans le cadre du projet de recherche PNR 42+ du Fonds national Suisse, dont les conclusions, peu flatteuses pour la Suisse, ont fait l'objet d'un rapport en 2007.
LA SUISSE NE SUIT PAS LES SANCTIONS ECONOMIQUES DE L'ONU
L'un des plus importants reproches adressés à la Suisse pendant et après l'apartheid a été sa décision de ne pas appliquer les sanctions économiques internationales. Le pays s'est en effet refusé à suivre les recommandations de l'ONU, estimant que l'application de ces sanctions allait à l'encontre de sa politique de neutralité.
LES BANQUES SUISSES ACHETENT DE L'OR SUD-AFRICAIN
D'après les conclusions du rapport PNR 42+, les banques suisses ont créé un pool acheteur d'or en mars 1968. Après quelques hésitations, l'Afrique du Sud décide de profiter de l’offre, et des quantités importantes de métal jaune seront désormais commercialisées via Zurich. Selon les estimations du Groupe de travail interdépartemental Suisse-Afrique du Sud, les importations suisses de pièces d’or en provenance d'Afrique du Sud passent d'un peu plus de 400 à plus de 1500 millions de francs courants entre 1968 et 1984, puis chutent à nouveau à partir de 1985 pour se situer à environ 550 millions de francs en fin de période.
DES ENTREPRISES SUISSES FOURNISSENT DES ARMES MALGRE L'EMBARGO
Bien que la Suisse ait décidé d'interdire l'exportation du matériel de guerre vers l'Afrique du Sud le 6 décembre 1963, de nombreuses entreprises helvétiques (dont Oerlikon-Bührle) contournent l'interdiction et fournissent des armes au régime de l'apartheid. Elles profitent d'une lacune juridique qui n'interdit pas la vente de matériel de guerre fabriquées sous licence à l'étranger. Les entreprises suisses exportent donc les pièces détachées et assemblent leurs armes à l'étranger.
DES EXPERTS PARTICIPENT AU DEVELOPPEMENT D'ARMES CHIMIQUES
En 1999, l'émission Temps Présent "les chimistes de l'apartheid" revenait sur les relations entre plusieurs entrepreneurs suisses avec des militaires et scientifiques sud-africains, notamment dans le cadre d'un projet d'armes chimiques.
DES EGLISES SUISSES ACCUSEES D'ATTENTISME
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse a reconnu en l'an 2000 avoir adopté un comportement coupable entre 1970 et 1985 face au régime de l'apartheid. Elle se dit coupable d'attentisme pour avoir refusé de condamner moralement l'apartheid et de soutenir la lutte contre le racisme en n'adhérant pas au programme du Conseil oecuménique des Eglises.
DES POLITICIENS SUISSES CREENT UN LOBBY SUD-AFRICAIN
En 1982, Christoph Blocher fonde le Groupe de Travail Afrique australe pour lutter contre "la désinformation largement diffusée à propos de l‘Afrique australe". Dans une interview à la Schweizer Illustrierte en 1989, il déclare même: "on doit tout de même voir que l'Afrique du Sud est, de tous les États africains, l'État qui fonctionne le mieux économiquement et socialement".
LA SUISSE REFUSE LES COMMISSIONS D'ENQUETE
A plusieurs reprises, dont une principale le 3 mars 1999, les parlementaires suisses refusent la création d'une commission d'enquête pour faire la lumière sur les relations de la Suisse avec le régime de l'apartheid. Les scientifiques et historiens engagés pour le programme national de recherche PNR 42+ sont eux aussi limités dans leurs démarches. Ils ne bénéficient que d'un budget restreint à 2 millions de francs et l'accès à de nombreuses archives leur est refusé. Raison invoquée, ne pas pénaliser les entreprises suisses sous le coup d'une enquête pénale aux Etats-Unis à cette époque (lire ci-contre).
LA SUISSE CONDAMNE PUBLIQUEMENT LE REGIME DE L'APARTHEID
A plusieurs reprises, la Suisse a moralement condamné le régime de l'apartheid. Le Conseil fédéral a même proposé en 1986 un catalogue de mesures visant à améliorer les conditions de vie de la population noire en Afrique du Sud. Pour tenter de redorer son image et rétablir une "équité financière", la Suisse alloue 45 millions de francs à différents programmes jusqu'en 1994. De plus, la Suisse est l'un des premiers pays dans lequel se rend Nelson Mandela après sa libération en 1991.
APRES LA LIBERATION
Même si la Suisse n'a jamais sanctionné le régime qu'il avait combattu au prix de son emprisonnement, les rapports du futur président avec la Suisse sont demeurés courtois.
Victorien Kissling
Multinationales suisses sous enquête
En mai 2008, la Cour suprême des Etats-Unis annonce une série de plaintes liées à l'apartheid qui réclament plusieurs milliards de dollars à une cinquantaine de multinationales, dont des sociétés suisses comme UBS, Credit Suisse, Holcim, Ems Chemie, Novartis, Nestlé, ainsi qu'Unaxis et Sulzer. Elles sont accusées pour la plupart d'avoir violé l'embargo international contre l'Afrique du Sud.