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Décryptage: l'accord FATCA en six questions

Xavier Oberson. [Laurent Gilliéron]
Me Xavier Oberson est avocat et professeur de droit fiscal suisse et international à l'Université de Genève. - [Laurent Gilliéron]
Alors que l'accord FATCA est débattu sous la Coupole, quelles sont les principales conséquences de ce traité pour la Suisse? Me Xavier Oberson, expert en questions fiscales, éclaire ce dossier.

La Suisse et les Etats-Unis ont paraphé le 14 février 2013 l'accord dit FATCA. Coup de massue pour le traditionnel secret bancaire helvétique, cette loi fiscale américaine "Foreign Account Tax Compliance Act" (FATCA) doit permettre aux Etats-Unis d'obtenir l'imposition de tous les comptes détenus à l'étranger par des citoyens américains. Tour d'horizon en six questions des implications de ce traité pour la Suisse:

RTSinfo: Quelles sont les conséquences directes pour les banques suisses?

Me Xavier Oberson: Les banques suisses, ainsi que tous les établissements financiers internationaux sont visés par cet accord FATCA. Ils devront s'enregistrer auprès de l'IRS (l'Internal Revenue Service est le fisc aux Etats-Unis). Ils devront ensuite s'engager à identifier tous leurs clients américains et déclarer la somme détenue sur ces comptes. En cas de refus, ces établissements s'exposent à une taxe de 30% sur leurs revenus.

Mais le fisc américain pourra de toute façon exiger des informations qui leur permettront d'identifier leurs contribuables. Il sera donc impossible d'avoir des clients américains et ne pas les déclarer.

Les étrangers vont-ils continuer à déposer leur argent en Suisse?

Oui bien sûr! Mais pas pour cacher de l'argent au fisc évidemment. La Suisse s'engage clairement dans une politique de la "Weissgeldstrategie", c'est-à-dire d'argent propre, déclaré. Et je ne pense pas qu'il y aura un effet de fuite. La plupart des clients américains, si ce n'est la totalité, se sont soit annoncés à l'IRS, soit sont déjà déclarés.

Et puis si des clients souhaitent partir de Suisse, où iront-ils? L'accord FATCA s'applique au monde entier.

Faut-il s'attendre à des licenciements massifs dans les banques suisses avec l'entrée en vigueur de l'accord FATCA?

Je ne pense pas. L'argent non déclaré fait aujourd'hui partie du passé. Des clients vont continuer à apporter leur argent en Suisse. Les compétences helvétiques, la sécurité du pays, l'Etat de droit sont des éléments qui garantissent une excellente image de la place financière suisse.

Au contraire, un savoir-faire devra être développé avec cet accord. Les établissements devront certainement engager du personnel afin d'expliquer et surveiller le bon fonctionnement des procédures.

La Suisse est-elle sortie de son conflit fiscal avec les Etats-Unis?

Non, il reste le chantier de la mise en oeuvre de cet accord. Certains points du traité sont encore flous. Est-ce que certaines banques pourront supporter le poids d'éventuelles amendes? Des employés vont-ils faire des recours quand ils apprendront que leur nom a été divulgué aux Etats-Unis?

Si la Suisse crée des complications, le gouvernement américain a la possibilité de suspendre un autre accord signé récemment avec le Conseil fédéral (le plan B à la Lex USA qui met fin au litige avec les banques suisses ayant aidé des contribuables américains à échapper au fisc).

Sans accord FATCA, que risque la place financière helvétique?

Elle risque des inculpations. Pour maintenir la pression sur la Suisse, nous pourrions imaginer une seconde affaire Wegelin (la banque saint-galloise a été poursuivie pour évasion fiscale et doit s'acquitter d'un montant de 53,8 millions de franc). Et une inculpation aux Etats-Unis équivaut pratiquement à la mort d'une banque.

Cet accord ouvre-t-il la porte à d'autres demandes de pays comme la France ou l'Allemagne?

Non je ne pense pas. La situation est très différente entre la législation américaine et européenne. Un ressortissant américain est tenu de payer des impôts où qu'il se trouve. C'est l'un des seuls pays au monde à avoir ce système. Et en Europe, des mécanismes d'impôts à la source existent déjà depuis 2005.

Propos recueillis par Mélanie Ohayon

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L'accord FATCA en bref

Aux Etats-Unis, le Foreign Account Tax Compliance Act, la loi fiscale américaine, (FATCA) est en vigueur depuis le 18 mars 2010. Il doit permettre à Washington d'imposer tous les comptes détenus à l'étranger par les personnes soumises à l'impôt aux Etats-Unis.

Le nombre et le montant total de ces comptes seront transmis par les banques directement au fisc des Etats-Unis. La Suisse s'écarte ainsi du modèle proposé par cinq grands Etats de l'UE (Allemagne, France, Italie, Espagne et Royaume-Uni) qui misent sur un échange par le biais d'une base de données centrale de l'Etat.

Une distinction peut être opérée par l’établissement financier en fonction de la valeur du compte. Les comptes dont la valeur est inférieure à 50’000 dollars n’ont pas à être identifiés, explique Fabien Liégeois, assistant et doctorant au Centre de droit bancaire et financier de l'Université de Genève. Ce dernier a donné des détails sur les données devant être identifiées dans le cadre de cet accord, dans une note pour les établissements bancaires publiée le 19 avril 2013 (voir lien internet ci-contre).