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"L'initiative de l'UDC ne fera qu'encourager le dumping salarial"

Vania Alleva, co-présidente d'Unia. [Walter Bieri]
Vania Alleva, co-présidente d'Unia. - [Walter Bieri]
Pour la co-présidente du syndicat Unia Vania Alleva, l'initiative "Contre l'immigration de masse" de l'UDC et ses "réponses populistes" met en danger le droit des travailleurs.

RTSinfo: L’initiative de l’UDC pour limiter l’immigration, notamment frontalière, n’est-elle pas une solution pour éviter le dumping salarial?

Vania Alleva: Au contraire! L'UDC veut retourner à la politique des contingents et au statut discriminatoire de permis de saisonniers. Ce texte ne fera qu’encourager le dumping salarial et le travail au noir. Par ailleurs, il ne va pas limiter la migration, puisque ses initiants soulignent que l’économie suisse va continuer à obtenir la main-d’oeuvre dont elle a besoin.

Les mesures d'accompagnement ne fonctionnent pas toujours, notamment dans les zones frontalières...

C'est pourquoi il faut renforcer les mesures d’accompagnement qui ont été instaurées pour freiner la pression sur les salaires et protéger les droits de tous les travailleurs.

Mais concrètement?

Par des amendes plus sévères à l’encontre des entreprises coupables d’abus. Il faut aussi instaurer la possibilité de suspendre les chantiers lorsqu’il y a des soupçons de dumping salarial et apporter plus de protection aux travailleurs qui dénoncent les situations douteuses.

Une immigration dite "incontrôlée" ne menace-t-elle pas les emplois?

L’expérience a montré qu'il y a une hausse du nombre d'immigrés lorsqu’il y a un besoin de main-d'oeuvre sur le marché du travail et une baisse de cette migration dans le cas contraire.

Le marché se régule donc tout seul, selon vous?

Non. C’est vrai qu’il est nécessaire de juguler l’immigration, mais il faut le faire en protégeant les salaires et non les frontières. L'initiative de l'Union syndicale suisse pour un salaire minimum de 4000 francs va dans ce sens.

Cela ne va-t-il pas encourager les frontaliers à travailler en Suisse?

Cela va surtout revaloriser certains métiers. En effet, si des branches comme la restauration ou la santé sont délaissées par les travailleurs suisses, c’est parce qu’elles n’offrent pas des salaires et des conditions de travail adéquats. J'ajouterai que le salaire minimum est une protection contre le dumping salarial.

L'argument de l'UDC concernant la pression sur les logements et les transports vous convainc-elle?

Ces problèmes ne sont pas liés à l’immigration, mais à un changement de société. C'est à ce niveau-là qu'il faut agir. Actuellement, l’espace habité est de 48 mètres carrés par personne alors qu’il était de 30 mètres carrés dans les années 1980. Quant à la saturation des transports, elle est rattachée à la flexibilité du travail et au nombre croissant de pendulaires.

On dénombre tout de même des dizaines de milliers de nouveaux migrants chaque année...

Les immigrés contribuent à la prospérité de la Suisse. Les contingents ne donnent aucune réponse: de 1984 à 1991, le pays a connu une haute conjoncture avec une hausse de 360'00travailleurs étrangers, beaucoup plus que dans les 7 dernières années.

Vous dites craindre la renégociation des bilatérales avec l’Europe.

Je vous rappelle que l’Union européenne ne voudra pas continuer d'attribuer un statut privilégié à la Suisse ce qui mettra en danger les bilatérales. Et en tant que pays d’exportation, c’est aussi toute notre industrie qui risque d’être frappée si l'initiative devait être acceptée.

Pour les ouvriers, l’initiative peut paraître alléchante. Est-ce facile de les convaincre du contraire?

Nous devons en effet mener un gros travail pour expliquer que ce n’est pas avec des réponses populistes qu’on va résoudre des problèmes.

Comme vous, les milieux patronaux préconisent le "non". Peut-on parler d’une alliance?

C'est vrai que nous sommes d’accord sur le fait que la libre-circulation est importante, mais nos arguments sont différents. De notre côté, nous revendiquons l’amélioration de la protection des salariés et la cohésion sociale, alors que les patrons se focalisent exclusivement sur l’aspect économique.

Christoph Blocher aurait investi quelque 3 millions de francs dans la campagne de l’UDC. Qu’en est-il d’Unia?

Nous avons investi plus de 300’000 francs dans la campagne, à l'instar des autres campagnes importantes.

Dans l’éventualité d’un "oui" le 9 février, qu’envisagez-vous?

Si le texte devait passer, ce sera un coup très dur pour la Suisse avec des conséquences néfastes. Il n'y a pas de plan B.

Vous partez donc gagnants?

Même si les sondages sont de notre côté, il faut qu’on continue à nous battre. Nous allons d’ailleurs mener encore deux opérations de sensibilisation d’ici la votation.

Propos recueillis par Mathieu Henderson

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