RTSinfo: Avec votre initiative, l'UDC s'est mise à dos toute l'économie suisse.
Raymond Clottu: Oui et c'est assez étonnant. Si on prend mon groupe parlementaire, une majorité des conseillers nationaux UDC sont chefs d'entreprise et bien sûr ils soutiennent l'initiative. Sur le terrain, dans les PME, il y a un discours qui ne correspond pas à celui des associations économiques comme economiesuisse.
N'allez-vous pas priver l'économie d'une partie de la main-d'oeuvre qualifiée nécessaire à sa bonne marche?
Nous ne demandons pas un gel, on ne peut pas se passer des étrangers, mais on ne peut pas continuer à en absorber autant. On demande un contrôle plus efficace que ce qui se fait aujourd'hui. Si on regarde les chiffres de l'Office fédéral des migrations concernant la population étrangère, on voit qu'il y a 1,4% de médecins, 1,3% d'infirmières, 4,1% de managers alors qu'il y a 9,3% de professions non connues et 22,8%d'étrangers venus grâce au regroupement familial. C'est cela qui nous pose problème, pas le personnel qualifié.
Si on prend l'exemple de l'horlogerie dans le canton de Neuchâtel, celle-ci ne peut pas fonctionner sans l'apport des frontaliers. Non?
Pour l'instant, les frontaliers ne sont pas un problème à Neuchâtel. Mais il y a quand même une pression sur les salaires et des Neuchâtelois restent sur le carreau. Il commence surtout à y avoir des tiraillements au Tessin. Nous voulons anticiper les problèmes.
Votre texte parle de contingents sans donner de chiffres. De combien souhaitez-vous réduire l'immigration?
Il ne s'agit pas de dire qu'on coupe tout le 10 février. On veut un robinet pour régler le débit.
Pourtant, les contingents n'ont pas réduit l'immigration par le passé.
Nous ne donnons pas la recette. On pourrait s'inspirer du système à points comme en Australie et au Canada. Ce n'est pas comme l'initiative Ecopop qui serait catastrophique en voulant stopper la croissance. Notre projet est beaucoup plus flexible et équilibré.
Ces mesures s'accompagneraient d'une importante bureaucratie, ce que l'UDC combat habituellement, non?
Je ne suis pas tout à fait d'accord. L'ODM est suffisamment fournie en collaborateurs et, avec les moyens informatiques actuels, ils peuvent trouver des méthodes efficaces.
Le Conseil fédéral affirme que les relations bilatérales avec l'Union européenne (UE) sont menacées par votre texte. La Suisse, pays d'exportations, peut-elle se passer de l'Europe?
Non, la Suisse ne peut pas se passer de l'Europe. Et l'Europe a aussi besoin de la Suisse. Il ne faut pas le minimiser. Le Conseil fédéral devra renégocier avec l'UE, c'est évident, mais c'est aussi son rôle, comme c'est le rôle de l'Europe de mettre la pression sur la Suisse. Je ne crois pas que l'Europe puisse se fermer à la Suisse. Cela ne sera pas facile mais il faut arrêter de s'aplatir devant l'UE
Le Conseil fédéral a pourtant été clair. La Suisse serait perdante en cas de renégociations avec l'UE.
Pas forcément. On a des arguments vis-à-vis de l'Europe, comme dans le domaine de la recherche. On importe passablement et la Suisse est aussi au centre de l'Europe. Celle-ci a donc besoin de nous pour le développement des liaisons ferroviaires et routières. L'Europe doit comprendre que la Suisse a un mode de fonctionnement différent. On est attaché à la démocratie directe, un système qui a fait ses preuves. S'il est question de changer de modèle, il faudrait avoir l'honnêteté intellectuelle de le dire. On veut rester autonome vis-à-vis de l'Europe.
La libre circulation limite le vieillissement de la population. Les étrangers financent 22% de l'AVS et n'en touchent que 16%. Votre projet implique donc une hausse des cotisations?
Pour l'instant, la libre circulation est positive. Mais ça peut changer. En cas de baisse conjoncturelle, les entreprises vont licencier. Et les étrangers sans emploi ne vont pas repartir et creuser notre caisse chômage.
Vous craignez une hausse du chômage, mais la libre circulation a créé 600'000 emplois, selon le Secrétariat d'Etat à l'économie.
L'équilibre n'est pas menacé aujourd'hui. A moyen ou long terme, on aura une baisse de la conjoncture puisqu'elle est cyclique. Le SECO ne peut pas garantir que ça va continuer.
Selon l'OCDE, la Suisse a bénéficié de la libre circulation à hauteur de 6,5 milliards de francs. Si on la supprime, on enlève ces bénéfices?
Non. C'est vrai que la libre circulation apporte certaines choses mais l'initiative ne va rien enlever à la Suisse. La libre circulation engendre des coûts en matière de sécurité et crée une instabilité très néfaste pour les milieux économiques, notamment au niveau de la paix du travail comme on le voit au Tessin. Ce phénomène va s'accentuer.
Votre initiative veut limiter le regroupement familial. Ne s'attaque-t-elle pas à un droit humain fondamental?
Oui, c'est un droit humain. Mais faire de la politique c'est aussi préserver la population qui réside dans notre pays. On voit les complications que ça génère, comme les hausses de loyers, et on veut s'en préserver.
Selon le 2e sondage SSR, vous êtes donnés perdants, mais vous gagnez du terrain (43% oui, 50% non). Confiant?
J'ai toujours été confiant. Je crois que la population est raisonnable et c’est une initiative raisonnable.
Propos recueillis par Valentin Tombez