Alors que certains Etats ouvrent la voie à la consommation récréative de cannabis, l'ancienne conseillère fédérale socialiste Ruth Dreifuss, membre de la Commission mondiale sur la politique des drogues, appelle à dépasser la prohibition des drogues, sans pour autant libéraliser totalement ce marché. Elle milite pour un contrôle étatique.
Partant du constat d'échec des politiques menées jusqu'ici, Ruth Dreifuss souligne que l'essentiel "est de remettre les droits de l'Homme et la santé au cœur de la politique."
Arracher le marché aux mains criminelles
Comment dépasser la politique de prohibition? "Certainement pas par une libéralisation", insiste l'ancienne ministre de la Santé. "Je suis contre l'idée de trouver de la drogue n'importe où. Ce que la commission propose, c'est de contrôler ce marché, de l'arracher aux mains criminelles".
Et c'est avec le cannabis qu'il est le plus facile d'imaginer des premiers essais-pilote de ce contrôle, estime Ruth Dreifuss. "Tout un champ d'expériences s'ouvre. Les premières tentatives aux Etats-Unis et en Uruguay vont être suivies avec beaucoup d'intérêt et un peu d'inquiétude".
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Les politiques en échec
La Commission mondiale sur la politique de la drogue, qui réunit d'éminents spécialistes de la question, dresse un constat sans appel: la guerre menée depuis cinquante ans contre les stupéfiants a échoué.
De son côté, la Commission des stupéfiants de l'ONU, en session annuelle dès jeudi à Vienne, campe pourtant dans sa majorité sur ses positions.
La discussion est cependant lancée, note Ruth Dreifuss, et "il y aura notamment des débats sur le caractère totalement disproportionné des peines dans certains pays".
Les effets de la prohibition
"Le bilan est assez sinistre", constate Ruth Dreifuss. La consommation n'a pas diminué et le pouvoir du crime organisé n'a pas baissé.
Sur le plan de la santé, la politique de la prohibition a poussé dans la clandestinité des gens qui ont perdu l'accès aux soins ou à la prévention.
"Les drogues sont des substances qui peuvent être dangereuses", souligne Ruth Dreifuss, "mais ce qui est encore plus dangereux, c'est une politique d'interdiction".