La "Wochenzeitung" a rendu public jeudi le contrat de sponsoring liant l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) au géant de l'agroalimentaire Nestlé. Ce document révèle que la multinationale a un droit de regard sur le choix final des professeurs des deux chaires qu'elle cofinance.
>> Lire : Nestlé dispose d'un droit de regard sur la nomination de professeurs de l'EPFL
Jérôme Grosse, le porte-parole de l'EPFL, s'étonne de la résonance de cette information. D'après lui, les clauses prévoyant la participation des sponsors aux comités de nomination n'ont "rien de confidentiel" et font même "partie de la politique" de l'institution depuis qu'elle a commencé à lever des fonds privés, au début des années 2000.
"A l'époque, nous étions pionniers, les autres universités ne le faisaient pas, explique-t-il. Nous avons pensé ces partenariats comme une relation industrielle, dans un esprit 'gagnant-gagnant'."
L'indépendance, gage de crédibilité
Si elle est visiblement totalement assumée à l'EPFL, cette pratique est considérée comme problématique dans la plupart des autres universités romandes (Neuchâtel n'a pas répondu à nos questions).
A Fribourg (à une exception près, voir encadré), "des contrats stipulent que les contributeurs privés d’une chaire n’ont ni de siège dans la commission d'engagement des professeurs ni de droit de veto sur une nomination", indique Daniel Schönmann, secrétaire général de l’institution.
Même politique à l'Université de Genève (UNIGE), où chaque financement privé fait l'objet d’une convention qui "garantit contractuellement l'indépendance de la recherche, cruciale pour la crédibilité d’une institution", selon Julie Michaud, porte-parole.
Chercheurs sous influence?
L'Université de Lausanne (UNIL) va plus loin, en faisant par principe très peu appel au sponsoring, et davantage aux donations via sa fondation. La différence est de taille: dans le cadre d'une donation, l'université n'a aucun compte à rendre quant à l'usage qu'elle fait de l'argent.
Dans les cas "rares" où des chaires y sont sponsorisées, "aucun représentant de l'entreprise ne participe au comité de nomination des chercheurs", assure le vice-recteur Philippe Moreillon.
Ce dernier estime que donner un droit de regard au sponsor est problématique: "évidemment, cela peut influencer les chercheurs, même si c'est de manière involontaire".
"L'idée n'est pas que les sponsors donnent leur nom à une chaire qui nuirait à leur image"
Il concède toutefois que les postes de scientifiques proposés par l'EPFL sont des sortes de "contrats à durée déterminée" de 5 ans, à l'issue desquels les scientifiques sont évalués. Une sorte de sécurité, selon lui.
L'EPFL, elle, est catégorique, les garde-fous existent, et l'indépendance scientifique est "sans cesse réaffirmée": "on ne serait pas crédibles dans notre excellence scientifique si l'on se livrait à des partenariats biaisés", insiste Jérôme Grosse.
Tout en admettant que "l'idée n'est pas que les sponsors donnent leur nom à une chaire qui nuirait à leur image."
Pauline Turuban et Mélanie Ohayon
Une exception à Fribourg
A Fribourg, il existe une exception: la fondation Adolphe Merkle dispose d’un droit de regard sur l’engagement d’un professeur au sein de l’institut Adolphe Merkle.
"Cela s’explique car ce centre de recherche est né uniquement grâce à l’argent de la fondation. La fondation existe exclusivement pour maintenir cet institut", précise Daniel Schönmann, secrétaire général de l'université.