Le Gripen reste cloué au sol. L'achat de 22 avions de combat suédois pour 3,126 milliards de francs a été rejeté dimanche par 53,4% des votants. Douze cantons ont refusé la création d'un fonds pour cette acquisition. Le "non" a surtout été fort en Suisse romande.
Les efforts menés en fin de campagne par les partisans du jet, le ministre de la défense Ueli Maurer en tête, n'ont pas empêché l'échec prédit par les sondages. La droite n'a pas réussi à faire de ce scrutin un vote de principe sur l'armée. Ni à convaincre, au nom de la sécurité, de la nécessité de compléter la flotte de 32 FA-18 après la mise au rebut des 54 vieux Tiger.
Large opposition
Les opposants au Gripen ont ratissé de la gauche jusque dans les rangs bourgeois, notamment vert'libéraux. Ils n'ont eu aucun mal à faire valoir qu'il n'y avait aucun besoin de dépenser autant d'argent pour une acquisition qui n'est de loin pas prioritaire pour l'armée.
On est loin des 57,2% qui avaient plébiscité le FA-18 en 1993. La liste des cantons où une majorité s'est dégagée contre les avions de combat s'est nettement allongée. Ils n'étaient que cinq (BS,BL,TI,GE,JU) il y a 21 ans. Sept autres sont venus s'ajouter ce dimanche. La Suisse romande a voté cette fois en bloc.
Suisse romande en bloc
La palme du refus revient une nouvelle fois au Jura, avec 74,3% des voix. Suivent Neuchâtel (69,1%), Genève (67,8%) et Bâle-Ville (67,7%). Le rejet atteint 59,4% à Fribourg, 65% dans le canton de Vaud et 61,9% en Valais. Le Jura bernois dit "non" à 66,2%, beaucoup plus clairement que l'ensemble du canton (50,9%).
Gripen: le vote des communes romandes
Parmi les opposants, on retrouve aussi Schaffhouse, Bâle-Campagne et Zurich. Ils ont contribué à faire pencher la balance.
La grande majorité des cantons alémaniques se retrouvent en effet dans le camp du "oui". Le soutien le plus fort au jet suédois est venu de Suisse centrale. Nidwald, canton des usines Pilatus, a accepté l'achat par 68,2%, Obwald par 63,8%, Uri par 62,4% et Schwyz par 61,5%.
Retrouvez le minute par minute des votations: Les Suisses refusent le Gripen et le salaire minimum
ats/nr
Maurer: "Une défaite pour moi aussi"
Le "non" à l'achat de 22 avions de combat suédois pour 3,126 milliards de francs est une défaite pour le Conseil fédéral et le Parlement", a déclaré Ueli Maurer devant la presse dimanche. Pour moi aussi", a reconnu le Zurichois. Le conseiller fédéral n'entend pas tirer sa révérence pour autant.
Ueli Maurer a estimé qu'il y aura désormais une lacune dans la sécurité aérienne. Il faudra plutôt davantage que moins de moyens. ll est aussi resté flou sur l'utilisation des 300 millions de francs par an destinés au Gripen.
Saab ne commente pas le vote
"Nous respectons le processus suisse et ne commenterons pas l'issue du référendum", a indiqué Saab dimanche.
Le groupe suédois d'armement et d'aéronautique a précisé que les plus de 500 contrats récents passés avec 125 entreprises helvétiques seraient honorés.
Le gouvernement suédois "triste"
En Suède, la ministre de la défense Kaarin Enstrom a pour sa part déclaré au journal Göteborgs-Posten: "C'est triste, nous avons longtemps travaillé avec la Suisse pour trouver une solution commune".
Réactions: "pas un référendum contre l'armée"
"Le peuple a compris les enjeux de la votation", a réagi Pierre-Alain Fridez, membre du comité Non au Gripen. Selon le conseiller national socialiste, ce rejet ne constitue pas un référendum contre l'armée elle-même.
Le refus des Gripen marque la "poursuite de la transformation de l'armée en armée bonsaï", a réagi dimanche Denis Froidevaux, président de la Société suisse des officiers (SSO). Selon le brigadier, "elle s'appelle armée mais n'en est pas une", car elle n'est pas équipée pour remplir ses fonctions principales, à savoir combattre, protéger et aider.
La campagne pour l'achat du Gripen a mal commencé dès le début. Le jet a souffert d'une image négative qu'il a été impossible de corriger, déplore Hugues Hiltpold (PLR/GE), vice-président du comité interpartis "Oui au Gripen". Désormais, il s'agit de mener une réflexion de fond sur le développement de l'armée.
Participation au scrutin très élevée
Les votations fédérales ont mobilisé les Suisses dimanche. Avec plus de 56%, la participation a dépassé celle observée le 9 février lors du scrutin sur l'initiative de l'UDC "contre l'immigration de masse".
Le dernier scrutin où un taux supérieur a été observé est celui de 2005 sur les accords de Schengen/Dublin (56,8%). Le record des dernières décennies est détenu par le scrutin sur l'EEE, avec 78,7% de votants en 1992.
Ce sont les Schaffousois qui se sont le plus déplacés aux urnes, avec un taux de votants autour de 70%. Glaris, Uri et Appenzell Rhodes-intérieures sont en queue de peloton avec une participation de 51%.
Le taux de votants ne se situe dans aucun canton en dessous de 50%.