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Les forfaits fiscaux ne sont plus "justifiés", explique Magali Orsini

Magali Orsini, présidente de La Gauche genevoise, coordonne la campagne anti-forfaits fiscaux pour la Suisse romande. [RTS - Caroline Briner]
Magali Orsini, présidente de La Gauche genevoise, coordonne la campagne anti-forfaits fiscaux pour la Suisse romande. - [RTS - Caroline Briner]
Présidente de La Gauche genevoise, Magali Orsini explique pourquoi le comité d'initiative "Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires" veut mettre un terme à ce système.

Présidente de la section genevoise de La Gauche et députée au Grand Conseil genevois, Magali Orsini est la coordinatrice de la campagne romande du comité d’initiative "Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires", soumise au peuple suisse le 30 novembre prochain.

RTSinfo :  Les forfaits fiscaux ne concernent que 5500 personnes tout en rapportant environ un milliard à l’ensemble de la Suisse. Pourquoi mettre un terme à cette lucrative mesure d’exception?

Magali Orsini: Parce ces privilèges ne sont pas justifiés! A la base, ces forfaits étaient destinés aux retraités, comme Charlie Chaplin. Aujourd'hui, une grande partie de ceux qui en bénéficient concerne des personnes actives, et parfois même actives en Suisse! Qu'est-ce que le travail d’un milliardaire sinon de donner des ordres depuis son ordinateur ou son téléphone? En plus, certains n’éprouvent aucune tendresse particulière pour le pays dans lequel ils résident et la seule chose qu'ils paient avec plaisir est leur cabinet d’avocats fiscalistes.

Une partie des forfaitaires apprécient de vivre en Suisse et font des dons. Eh bien ceux-ci resteront si ce régime est abandonné. Et leurs impôts suffiront largement pour compenser financièrement le départ des autres. 

Le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé de durcir les conditions d’octroi des forfaits fiscaux dès 2016. N’est-ce pas suffisant?

Ce ne sont que des "mesurettes". Et de toute façon, il faut simplifier le droit fiscal, appliquer la même loi pour tout le monde et supprimer la concurrence intercantonale. Il ne faut pas attendre l’arrivée de mesures de rétorsion des autres pays. Pour l’instant, l’OCDE s’est concentré sur les multinationales. Mais elle va bientôt s’attaquer aux personnes. Et elle a bien raison. Il faut mettre un terme à tous ces dumpings.

Vous souhaitez plus d’équité, mais si ces riches partent, il y aura moins de recettes et moins de mécénats, donc les impôts risquent d’être augmentés. Ne ratez-vous pas votre cible?

Mais qui dit qu'il va y avoir des pertes? On prédisait une catastrophe à Zurich, et finalement le canton n’a perdu que deux millions de recettes annuelles. La moitié des bénéficiaires sont restés. En plus, il y a de nouveaux arrivants: toutes les villas de luxe de Zurich ont été relouées dans les six mois après le départ des forfaitaires. Tout ce que demandent les gens aisés (une très grande maison, un golf à proximité ou encore la possibilité de pouvoir faire du tennis dans l'heure qui suit) est sur place.

Le cadre de vie est différent dans les cantons alpins, qui avaient trouvé avec le forfait fiscal un moyen de parer la faiblesse de leur industrie. Comprenez-vous leurs craintes?

Evidemment, si vous basez tous vos revenus sur quelques riches étrangers, vous vous transformez en valet. Il faut plus d'économie réelle. Ceci dit, je rappelle qu'en Valais, certains forfaitaires ne paient que 10'000 francs d’impôts annuels. Ceci est une injure à la classe moyenne de toute la Suisse! En plus, le canton reçoit des centaines de milliers de francs pour la compensation hydroélectrique. Et il touche aussi suffisamment à travers la péréquation financière.

L'Eglise de Rougemont où se déroule le festival "La Folia". [DR]
L'Eglise de Rougemont où se déroule le festival "La Folia". [DR]

Quel avenir réserve votre initiative à des communes comme Lauenben (BE) ou Rougemont (VD), dont un quart des recettes est issu des forfaits fiscaux?

Je suis persuadée que la moitié des forfaitaires est disposée à rester, et que les comptes vont s’équilibrer.

Les Romands, qui accueillent le plus de forfaitaires, semblent moins partager votre optimisme que les Alémaniques, selon les sondages SSR...

L’opinion publique est manipulée. Personne ne peut avoir accès au montant des forfaits ni à l’identité de leurs bénéficiaires, sauf les ministres des Finances. Ceux-ci peuvent faire des affirmations, qu'on ne peut vérifier.

Les Genevois devront aussi voter sur une initiative socialiste réclamant la fin des forfaits fiscaux au niveau cantonal. La région cultive une image haut de gamme. N’est-ce pas scier la branche sur laquelle elle est assise?

Est-ce normal que Genève se vende comme une ville pour les riches? Cela draine une pression invraisemblable sur les loyers. La classe moyenne est obligée d’aller se loger en France voisine. Et à côté de cela, il y a ces actionnaires majoritaires de sociétés de négoces qui font fortune avec un cynisme absolu et qui sont installés à forfaits alors qu'ils travaillent en Suisse depuis leur ordinateur! Ceux-là sont totalement volatiles et sans foi ni loi. Ce n’est pas de cette Genève-là qu'on veut. On veut de l’équité fiscale, une industrie réelle, du commerce équitable, quelque chose qui nous conviennent moralement. Pas de l’économie "bling bling". Les projets comme le centre du cerveau, c’est ça qui doit s’installer à Genève.

Le Conseil d’Etat souligne que Genève est sans doute le canton où la distribution des richesses est la plus forte...

Il faut sortir de cette logique comprenant des assistés d’un côté et des très riches de l’autre. La classe moyenne est très présente et elle n’a pas à soutenir une économie où les riches participent auss i peu. De plus, la droite n’a pas cessé de faire baisser les recettes depuis 10 ans en faveur des plus fortunés. Enfin, je rappelle que les forfaits fiscaux ne rapportent que 150 millions de francs, soit 1,6% des recettes cantonales. Ce n'est rien par rapport aux 600 millions que devrait coûter la IIIe Réforme de l’imposition des entreprises*.

Entre votre initiative et celles déjà passées (rémunérations abusives, résidences secondaires), n'est-on pas en train de tuer l’image paradisiaque de la Suisse pour les riches étrangers?

L’image de la Suisse a tout à y gagner. Regardez ce qui se passe au Luxembourg. Est-ce qu'ils sont fiers? Et notre pays a suffisamment d’atouts: le sens du travail, l’endurance, l’honnêteté, la confiance. Par son ingéniosité et sa recherche, elle a su se hisser à un rang extraordinaire!

Propos recueillis par Caroline Briner

>> Lire aussi : Maurice Tornay: "Les forfaits fiscaux, ce n'est pas une excentricité"

*projet de portée fédérale qui vise un taux unique de 13%

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