L'annonce, mardi par la Fédération internationale de football (Fifa), d'un dépôt de plainte auprès du Ministère public de la Confédération en raison de "soupçons" semblant "peser sur des transferts internationaux de patrimoine" en Suisse, est perçue comme un gros effet d’annonce par les milieux judiciaires et de bons connaisseurs de la Fifa interrogés par la RTS.
Le ton est sceptique voire ironique, face à une enquête voulue mais immédiatement médiatisée par la fédération. "Ce n’est pas malin!", avertit une source proche du Ministère public de la Confédération. "Mais nous avons l'habitude de voir notre travail compliqué par ce genre d'annonce dans des affaires où la communication compte davantage que le résultat de l’enquête", poursuit une source policière de haut rang.
Sans effet de surprise, l'efficacité des investigations que pourrait mener le Ministère public de la Confédération (MPC) est en effet compromise.
Un classement de la plainte n’est pas exclu
Un fin connaisseur de la Fifa et des stratagèmes de son président Sepp Blatter estime pour sa part que l'enquête sera enterrée d'entrée de jeu. "Le dossier de la Fifa livré à la justice suisse ne contient sans doute aucun indice sérieux sur les vrais flux financiers et les vraies responsabilités dans les magouilles qui ont prévalu à l'attribution du Mondial à la Russie et au Qatar", dit-il.
Il n'est donc pas exclu que le MPC finisse par annoncer qu'il classe la plainte faute d’indices suffisants d’infractions pénales.
Contactée par la RTS, la Fifa réagit à ces critiques: "Nous n'avons pas livré les détails de notre plainte dans notre communication publique. Donc nous n'estimons pas gêner le travail à venir de la justice suisse".
Ludovic Rocchi/oang
Le MPC devra décider de l'issue à donner à la plainte
La plainte de la Fifa est arrivée mardi à Berne, accompagnée des 200'000 pages du rapport interne diligenté sur les soupçons de corruption dans l'attribution des Coupes du monde en Russie et au Qatar.
Le MPC va d’abord devoir étudier cette "volumineuse documentation", comme le souligne le procureur général Michael Lauber lui-même dans un communiqué.
Ensuite seulement, le MPC sera en mesure de dire s'il dispose d'indices suffisants de violations des lois pénales suisses pour ouvrir une véritable enquête.
A ce stade, il faudra encore déterminer si c'est bien au MPC de conduire l'instruction ou à la justice du canton de Zurich, où se situe le siège de la Fifa.
Les doutes de l'ex-procureur tessinois Paolo Bernasconi
Interviewé mercredi par la RTS, l'ancien procureur tessinois Paolo Bernasconi ne cache pas sa perplexité face aux chances de réussite de l'enquête suisse.
Quand une plainte est médiatisée peu après son dépôt, "bien évidemment cela signifie une grande déception [pour les enquêteurs] parce que les chances de découvrir la vérité s'amenuisent énormément", souligne-t-il.
Et d'évoquer notamment les perquisitions de bureaux, la fouille des ordinateurs: "Là, ce n'est que la surprise qui vous donne des chances de réussite dans une enquête".
Compte-tenu de ces éléments, Paolo Bernasconi croit d'avantage à une opération de communication de la part de la Fifa.