Environ 9000 Syriens dépendent de l'asile en Suisse. Or, notre pays "pourrait en faire beaucoup plus", a déclaré mardi la directrice d'Amnesty International Suisse, Manon Schick, invitée du Journal du matin de la RTS. Et elle n'est pas la seule à le clamer.
Une lettre ouverte en ce sens a été déposée mardi à la chancellerie fédérale. Soutenu par 500 personnes et 27 organisations, son instigateur, le président du Conseil suisse pour la paix Ruedi Tobler, réclame l'accueil en Suisse de 100'000 réfugiés venant de Syrie.
La frontière administrative
"Il s'agit à la fois d'un problème d'infrastructures et de mentalités", analyse Manon Schick. Si la Suisse est capable de gérer l'accueil de mouvements de population importants, pour des événements sportifs par exemple, elle peut le faire pour recevoir davantage de réfugiés. Mais en Suisse, "la barrière administrative est très grande", souligne la directrice d'Amnesty Suisse.
Un Syrien établi sur le territoire national doit, pour pouvoir héberger des proches, répondre à des critères très stricts. Il doit, par exemple, fournir la garantie qu'il dispose de 100 francs par personne accueillie par jour et de suffisamment d'espace dans son logement selon le règlement en vigueur.
"Il faut commencer par assouplir les règles", prône Manon Schick qui insiste: "il est beaucoup plus facile pour un réfugié de s'intégrer quand il a déjà de la famille sur place".
Des réfugiés pas comme les autres
Les lignes commencent toutefois à bouger, salue-t-elle. Le père de l'initiative du 9 février a par exemple déclaré lundi que les réfugiés syriens n'étaient pas des réfugiés comme les autres. Qu'ils devraient être accueillis avec davantage de générosité.
>> Lire aussi : Le père de l'initiative du 9 février favorable à l'aide aux réfugiés syriens
"La majorité des Syriens ne répondent pas au critère de l'asile en Suisse qui est de pouvoir prouver qu'on a été soi-même victime de persécution, la plupart fuient la guerre, ils sont désespérés. On pourrait aller plus vite pour leur accorder une admission provisoire", indique la directrice d'Amnesty Suisse.
La fin de la guerre, la grande inconnue
"Pendant la guerre des Balkans, 50'000 réfugiés kosovars avaient été accueillis, cela prouve que c'est faisable", rappelle-t-elle. Et de souligner: "La plupart sont rentrés chez eux".
Il en va de même, selon elle, pour les réfugiés syriens qui sont souvent des personnes dotées d'une formation, qui sont frustrées de ne pas pouvoir travailler en Suisse et de ne pas avoir de perspectives.
"Ces gens auront probablement envie de retourner dans leur pays", estime Manon Schick. "La seule chose qu'on ne sait pas c'est combien de temps il faudra pour que cette horrible guerre se termine".
jgal
Politique européenne à revoir
Face à cette situation désespérée, beaucoup de réfugiés risquent de tenter la périlleuse traversée de la Méditerranée sur des navires de fortune.
Si l'Italie a jusqu'ici assumé le sauvetage des migrants désespérés, elle a récemment arrêté d'enregistrer les nouveaux arrivants confrontée à une politique européenne inadaptée à la situation.
Selon Manon Schick, si certains pays comme la Suède ont été exemplaires, d'autres pourraient se montrer plus accueillants. Et pas qu'en Europe.
La directrice d'Amnesty Suisse souligne que les Etats du Golfe tels que le Qatar et les Emirats arabes unis , s'ils ont mis la main au porte-monnaie, n'ont accueilli aucun réfugié syrien.
Un déplacé sur cinq dans le monde est Syrien
Alors que le monde compte 50 millions de déplacés au total, un sur cinq est Syrien. Autrement dit, près de la moitié de la population syrienne est en fuite, selon Manon Schick.
Alors que le Liban, submergé après avoir accueilli 1,2 million de réfugiés sur son territoire, a imposé lundi un visa obligatoire aux citoyens syriens, la situation devient très préoccupante pour les personnes déplacées à l'intérieur des frontières de la Syrie.
"Près de 10 millions de personnes sont déplacées à l'intérieur du pays sans pouvoir sortir. Elles risques de se retrouver prises au piège du conflit en tombant soit dans les mains de l'Etat islamique soit en subissant les bombardements de Bachar al-Assad", alerte Manon Schick.