Au lendemain de l'attaque sanglante contre le journal satirique français "Charlie Hebdo" et de la mort de cinq célèbres caricaturistes, des fonds noirs tachés de rouge dominent la Une des journaux romands.
Caricatures, hommages et réactions de dessinateurs de presse abondent dans les quotidiens.
En Une du journal "Le Temps", Chappatte a crayonné une tombe en forme de croix, blanche sur fond noir, dont l'épitaphe indique: "Morts de rire". Le dessin est dédié aux caricaturistes morts dans la fusillade. "Que peut faire un crayon contre un lance-roquettes? Quelle chance ont laissé à la liberté d'expression des fous sanguinaires?", questionne le quotidien.
Un avion s'écrase sur une tour en forme de crayon en Une de "La Tribune de Genève", dans une allusion aux attentats du 11 septembre. Le message blanc sur fond noir "Je suis Charlie" y est aussi représenté. Le journal, qui titre "Non aux barbares", enjoint de "renforcer la bataille contre le totalitarisme islamiste", sans toutefois "alimenter les foyers de l'islamophobie".
Dans "24 heures", un dessin de Bénédicte représente une édition de "Charlie Hebdo" criblée de balles. Le sang déversé par le journal moribond esquisse un portrait d'un homme barbu et enturbanné qui paraît être le prophète Mahomet. Son visage ressemble à ceux dessinés par l'hebdomadaire satirique.
Le dessinateur Thierry Barrigue, qui déplore la perte d'amis, avait pour sa part présenté mercredi la Une de la prochaine édition du journal satirique romand "Vigousse", qui sortira en fin de semaine: une page noire avec un impact de balle, d'où commence à couler du sang.
En Une du "Matin", on trouve aussi une édition du journal satirique français dégoulinante de sang, sur un fond dominé par le noir. Dans ce dessin de Ben, un poing tenant un crayon jaillit du journal atterré. "La liberté, l'indépendance. Ce sont les autres victimes de cette terrible journée", écrit le quotidien orange.
"Balles tragiques à Charlie Hebdo", titrent les journaux neuchâtelois, dans une référence manifeste à la Une de "Hara Kiri" sur la mort du général De Gaulle en novembre 1970 ("Bal tragique à Colombey: un mort"). Vincent L'épée esquisse dans "L'Express" et "L'Impartial" un sanglant massacre de crayons portant les noms des caricaturistes décédés. A leurs côtés gît une balle.
Un crayon multicolore immobilisé et bariolé de noir par un autre crayon de couleur sombre, un dessin signé Alex. "La Liberté" dénonce un attentat contre la liberté d'expression. Le quotidien fribourgeois martèle en Une que c'est "la liberté qu'on assassine".
"Le Nouvelliste", dont le dessinateur Casal avait aussi rendu hommage à ses confrères peu après la fusillade en représentant un crayon brisé ensanglanté, choisit pour Une, sous le titre "Ensemble contre la barbarie", une photo d'un rassemblement en l'honneur des victimes, tout comme "Le Journal du Jura".
Plusieurs quotidiens helvétiques ont d'ailleurs publié dans leurs colonnes des caricatures de Mahomet réalisées par "Charlie Hebdo", dont celle qui a valu à la rédaction l'incendie de ses locaux en 2006.
ats/sbad
La presse alémanique aussi
Dans la presse alémanique, quelques journaux publient des dessins de presse, comme le "Tages-Anzeiger", où l'on voit la liberté d'expression refuser de se glisser dans sa tombe.
La Une de la "Basler Zeitung", qui fait état d'une "Europe en guerre", est une page totalement blanche.
La "Südostschweiz" publie pour sa part en français le populaire message blanc sur fond noir "Je suis Charlie".
Un éditorialiste du Financial Times suscite la polémique
"Irresponsabilité éditoriale". C'est en ces termes qu'un éditorialiste du Financial Times évoquait mercredi Charlie Hebdo, quelques heures après l'attaque qui a fait 12 morts dans les locaux de l'hebdomadaire satirique.
"La France est le pays de Voltaire mais trop souvent l'irresponsabilité éditoriale a prévalu chez Charlie Hebdo", écrivait Tony Barber, rédacteur en chef de la rubrique Europe du quotidien économique britannique.
Après de vives réactions, la phrase polémique a été supprimée dans la journée. "L'article a été actualisé, cela fait partie du processus éditorial", a justifié Darcy Keller, une représentante du journal. Mais si le texte est resté en ligne dans une version remaniée, l'originale continue de circuler sur les réseaux sociaux.
Des membres de la rédaction du Financial Times se sont défendus de tout malentendu sur Twitter, répétant que la tribune exprimait une opinion personnelle et non de celle du journal. L'édito du journal de jeudi matin condamnait comme toute la presse l'attaque meurtrière.
Le contenu de la note de l'éditorialiste du Financial Times Tony Braber:
Some provocative thoughts by @FT's Tony Barber: How will attack impact French politics? http://t.co/yQx49h03eG pic.twitter.com/C3h3KtYAFR
— Borzou Daragahi (@borzou) 7 Janvier 2015