Publié

"C'est bien de dire "Je suis Charlie", mais ça ne règle pas le problème"

Metin Arditi à "L'Agence", le 27 octobre 2013. [Cécile Möller]
Metin Arditi lors de l'émission RTS "L'Agence", le 27 octobre 2013. - [Cécile Möller]
L'écrivain et homme d'affaires genevois Metin Arditi a rappelé lundi à la RTS, après le drame de Charlie Hebdo, qu'il est essentiel de se pencher sur le problème de fond lié aux banlieues françaises.

L'écrivain, scientifique et homme d'affaires genevois Metin Arditi, aussi ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco, a estimé lundi dans le Journal du matin de la RTS, qu'il fallait, après la terrible tragédie de Charlie Hebdo qui a fait 12 morts, se pencher sur les sources de ce drame en pensant à l'avenir.

"J'ai vécu ce "tsunami" émotionnel depuis Genève avec une certaine distance, même si j'ai été très choqué de ce qui s'est passé à Charlie Hebdo. Mais j'essaie de penser à demain. C'est bien de dire "Je suis Charlie", mais ça ne règle pas le problème, ça le cache même à la limite", a poursuivi l'invité du journal.

Résultat d'années de colonisation

Metin Arditi a tenu à rappeler que le drame cache une certaine injustice: "les problèmes que connaît la France dans les banlieues sont le résultat d'entreprises stratégiques du pays. Je pense bien sûr à la colonisation, à la conquête des pays arabes et aux options d'émigrations qui ne tiennent compte que de l'économie du pays".

L'écrivain a estimé que le gouvernement français a trop longtemps minimisé le problème des banlieues et qu'il ne les a jamais traité de manière prioritaire.

"Il faut aujourd'hui engager des ressources importantes et de manière irrévocable". Et de citer une formation des imams en France qui réponde aux critères de la République comme une priorité.

Il faut aussi passer par l'éducation, la culture, et mettre les gens à flot sur le plan de la dignité, de l'image qu'ils ont d'eux-mêmes dans ces banlieues.

L'intégration comme instauration d'un dialogue

S'il ne faut pas éluder la réponse sécuritaire, juge encore Metin Arditi, il faut d'abord s'attaquer au problème de fond, celui de l'intégration.

L'homme qui dirige deux fondations, l'une musicale et l'autre littéraire, pour tenter de rapprocher les communautés juives et arabes, ainsi que celles d'Israël et de Palestine, au Proche-Orient, explique que pour imaginer la paix, il faut savoir instaurer un dialogue.

"Nous sommes aujourd'hui dans un flot d'émotion qui donne une certaine légitimité à François Hollande pour aborder le problème des banlieues de manière prioritaire. Cela pourra se faire grâce à une union nationale, des moyens importants et la mobilisation des meilleurs esprits."

Liberté d'expression en question

Mais n'a-t-on pas minimisé le sentiment de la communauté musulmane dans l'affaire des caricatures, demande le journaliste. Ce qui est sûr, répond Metin Arditi, c'est qu'il est inutile de blesser les gens. Le rire est quelque chose de très lié à la civilisation mais il s'agit de faire preuve de discernement.

"Je suis un grand admirateur des caricaturistes. Pour moi, voir un dessin de Wolinski, c'est comme boire une flûte de champagne, j'adore ça". Mais il faut aussi savoir se mettre à la place de l'autre. Et ne pas oublier que la laïcité ne doit pas être une négation de la religion, mais qu'il faut laisser la place à chacun pour s'exprimer et pratiquer librement.

sbad

Publié

Pas de neutralité qui tienne dans ces circonstances, selon Yves Rossier

Le secrétaire d'Etat de la Confédération Yves Rossier est aussi revenu dans le Journal du matin lundi sur les attentats qu'a connus la France ces derniers jours.

Selon le numéro deux du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), "nous vivons une situation de crise, et il y a une prise de conscience qu'un ordre mondial est en train de changer. Nous avons désormais à faire à des organisations qui sont fondées sur la négation radicale de toute notre société. Il est donc très difficile de trouver des points de rencontre pour instaurer un dialogue avec ces organisations."

"Il s'agit d'un enjeu global pour la Suisse comme pour l'Europe et dans ce cas-là il n'y a pas de neutralité qui tienne pour notre pays par rapport au terrorisme."

En ce qui concerne les instruments concrets de lutte contre ces organisations terroristes, le secrétaire d'Etat a mentionné des moyens qui sont prévus en Suisse mais doivent être discutés au Parlement ces prochaines semaines.