Jusqu’ici, entre un tiers et la moitié des personnes remplissant les critères pour bénéficier de l'aide sociale y renonçaient. Mais certains, particulièrement en Suisse alémanique, estiment que les exigences croissantes des citoyens pourraient mener à la faillite de l’Etat social. Cette perception est cependant largement démentie côté romand.
Le non-recours aux prestations sociales est une pratique courante. La professeure d’économie à la Haute Ecole de Saint-Gall Monika Bütler le rappelait récemment dans une tribune du journal Schweiz am Sonntag. Elle écrivait que c’est par scrupules et par bienséance que les Suisses renoncent à l’aide de l’Etat, mais qu’ils le font de moins en moins, d’où risque de faillite du système.
"C'est très curieux de dire qu'on a un problème parce que les gens utilisent leurs droits" répond Verena Keller, doyenne de la Haute Ecole du travail social de Lausanne.
Jeunes toujours plus exigeants?
Beaucoup, Outre-Sarine, se plaignent également de l’attitude prétendument toujours plus exigeante des jeunes bénéficiaires de l’aide sociale. "Ils sont au guichet, surendettés, ils ont le dernier modèle de smartphone et nous demandent de l’argent", a déclaré par exemple le responsable des services sociaux de la commune de Derendingen.
"Je ne pense pas que l'on puisse dire que les jeunes soient de plus en plus exigeants. Mais dès l'instant où ils ont connaissance d'une prestation étatique à laquelle ils ont éventuellement droit, ils vont la demander peut-être un peu plus facilement que ne l'auraient fait leurs parents ou leurs grands-parents", remarque Michel Cornut, chef du service social de la ville de Lausanne.
Familles monoparentales en première ligne
"Les chiffres ne confirment pas une explosion des jeunes à l'aide sociale, mais ils font beaucoup plus peur, ils sont beaucoup plus visibles que d'autres groupes de population", précise Verena Keller. Et ce ne sont pas les jeunes qui sont le plus à l'aide sociale, rappelle-t-elle, ce sont les enfants et les mères seules.
Alain Arnaud/oang
Le point de vue du Centre social protestant
Le problème de financement lié au fait que les gens seraient moins réservés est assez absurde, estime Hélène Küng, directrice du Centre social protestant (CSP) dans le canton de Vaud.
Les chiffres de l'Office fédéral de la statistique sur les années montrent qu'il y a effectivement une partie des ayants-droits qui ne recourent pas à l'aide sociale, de l'ordre de 30 à 50%. Mais "ça ne change guère", précise-t-elle.
S'il y a eu d'avantage de personnes recourant à l'aide sociale, c'est parce que d'autres aides ont diminué pour cause d'économies fédérales, en particulier l'aide pour le chômage et pour l'Assurance invalidité, explique-t-elle. "Ce n'est pas le scrupule qui disparaît."
L'aide sociale est clairement un thème électoral cette année. C'est difficile de contrer les attaques, note Hélène Küng, "parce qu'il y a passablement d'ignorance, passablement de craintes qui sont véhiculées dans ce débat. Et c'est très difficile de pouvoir nuancer, préciser".