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"L'initiative sur l'exonération des allocations familiales est trompeuse"

Géraldine Savary, conseillère aux Etats socialiste vaudoise. [Keystone - Peter Schneider]
Géraldine Savary, conseillère aux Etats socialiste. - [Keystone - Peter Schneider]
La conseillère aux Etats Géraldine Savary (PS/VD) qualifie de "fausse bonne idée" l'initiative "Aider les familles!" du PDC qui, selon elle, ne profite qu'aux personnes à haut revenu.

RTSinfo: Avez-vous des enfants?

Géraldine Savary: Oui, j'ai deux filles de respectivement 20 et 11 ans.

Pourquoi le Parti socialiste s’oppose-t-il à cette initiative qui s’apparente à un texte de gauche?

Parce que c’est une fausse bonne idée. Les personnes qui vont en profiter ne sont pas celles qui en ont le plus besoin.

Pourtant, selon le sondage SSR, 56% des sympathisants du PS se disent en faveur du texte, alors que seul 29% y sont opposés…

Oui, parce que son titre est alléchant. Mais en réalité c’est une initiative trompeuse.

C'est-à-dire?

L'impôt étant progressif, ce sont clairement les familles avec le plus d'argent qui vont en profiter. Les chiffres montrent que les classes moyennes - soit 70'000 francs annuels - et les familles à bas revenu, ne gagneront que quelques centaines de francs par année, voire rien du tout.

Tout de même, l'économie de quelques centaines de francs par année pour une famille à bas revenu n'est-elle pas bonne à prendre?

Il faut envisager des mesures plus ambitieuses que l'exonération des allocations familiales et de formation professionnelle, telle qu'une augmentation fixe de ces aides. On peut imaginer par exemple une hausse du plancher (200 francs mensuels, ndlr.) de 100 ou 200 francs par mois, ce qui représenterait alors une hausse réellement significative pour les bas revenus. De plus, il faut savoir que le texte engendrerait d'importantes pertes fiscales, allant de 1 à 3 milliards de francs.

Le Conseil fédéral évoque un manque à gagner de 200 millions de francs pour la Confédération et de 760 millions pour la totalité des cantons. Peut-on vraiment parler de trou béant?

Ce sont des chiffres qui se basent sur les montants minimums de 200 francs pour des allocations et 250 francs pour les jeunes en formation. Mais je rappelle que ces aides sont plus élevées dans certains cantons, ce qui implique des pertes fiscales supplémentaires en cas d'exonération. Or, avec 18 cantons - au moins - qui se trouvent dans les chiffres rouges, les finances publiques sont mauvaises actuellement. Et elles vont certainement empirer en 2015.

N'est-ce pas simplement un choix politique et une question de priorité dont fait preuve l'initiative du PDC en creusant le budget de l'Etat pour aider les familles?

L'expérience de 2004 et 2005, qui sont des années de déficit, a montré que les programmes d'allègement ont visé avant tout les aides aux familles, comme les contributions à l’accueil extra-familial. Je crains donc qu'avec son initiative, le PDC ne ponctionne l’aide aux garderies, les bourses d’études et tout autre soutien... Car il est peu probable que l'Etat ne va pas prélever de l'argent dans des domaines tels que l’agriculture ou l’armée, qui bénéficient de majorités politiques à Berne.

Que pensez-vous de l'idée de Lucrezia Meier-Schatz (PDC/SG) d'utiliser les bénéfices de la Banque nationale suisse pour pallier ce manque à gagner?

Pourquoi pas, mais ce ne serait qu'une solution à court terme.

L’initiative ne pointe-t-elle pas sur un principe de fond, à savoir qu’il n’est pas logique d'octroyer une aide puis de la taxer?

Non, car je considère qu’une allocation s'apparente à un revenu et que, par conséquent, il est normal qu'elle soit ponctionnée, sauf pour les personnes très modestes. Je ne suis d'ailleurs pas complètement favorable aux exonérations de manière générale. Le PS partage la volonté de soutenir les familles, mais pas par la fiscalité. Je regrette que le PDC se soit lancé dans ce projet sans chercher un compromis avec la gauche et qu’il ait privilégié le marketing politique à l’efficacité.

C'est justement ce que vous reproche le PDC, qui accuse le PS de ne pas le soutenir par stratégie dans une année électorale.

C’est une critique absurde et dénuée de fondement. Avec le PDC, nous nous sommes déjà alliés sur des dossiers tels que l'énergie, les services publics et la politique familiale. Ici, ce n’est pas une question électorale mais d’efficacité.

Le PS a gelé son projet de chèque-enfant. Est-ce à dire que le parti se trouve les mains vides face au peuple en pleine année électorale?

Le projet a été suspendu à la suite de l'initiative du PDC. Il aurait été irresponsable de notre part de lancer un autre scrutin sans écouter la volonté populaire. Par contre, si le texte sur l'exonération des allocations est refusé, on aura alors la possibilité de proposer le nôtre, en guise de réponse.

Voir aussi l'interview de Christophe Darbellay: "Notre texte favorise doublement les familles de la classe moyenne"

Propos recueillis par Mathieu Henderson

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