L'initiative des Vert'libéraux, qui visait à remplacer la TVA par une taxe sur l'énergie, a été balayée par 92% des citoyens. Fait plutôt rare, 33 communes en Suisse ont refusé l'initiative à 100% des voix, dont 16 dans les cantons romands.
Cette taxe sur les énergies non renouvelables se serait substituée au bout de cinq ans à la TVA pour ne pas aggraver la pression fiscale. Elle aurait pourtant fait grimper le prix de l'essence aux alentours de 5 francs suisses. Pas de quoi enthousiasmer les électeurs.
Les résultats sont similaires dans toute la Suisse, avec 96,1% de non en Valais (plus fort rejet en Suisse), 94,4% pour Fribourg, 94,3% pour Vaud, 94,1% pour le Jura et Neuchâtel, 91,5% pour Berne et 90,9% pour Genève. Le moins mauvais score est celui de Bâle-Ville avec un non à 86%.
La carte des résultats:
Carte des résultats sur la taxe énergétique
"La faute au franc fort"
Selon Laurent Seydoux, vice-président des Vert'libéraux, l'initiative aurait été victime de la suppression du taux plancher et du "mensonge d'Eveline Widmer-Schlumpf sur l'augmentation de l'essence à 5 francs".
"Le franc fort a inquiété les citoyens. Et même si ces affirmations sur une augmentation de 3 francs de l'essence ont ensuite été démenties, les gens ont quand même gardé ce mensonge en tête", s'est énervé le politicien genevois.
"Tout le monde nous a dit que l'idée est bonne, mais qu'il ne faut pas la mettre en oeuvre comme ça. Aux autres partis de jouer. On attend leurs propositions", a-t-il ajouté.
Le vice-président des Vert'libéraux ne pense pas que cette large défaite aura un effet trop négatif sur les résultats de son parti lors des fédérales cet automne. "On a montré qu'on peut aller jusqu'au bout de nos idées. Nous avons gagné en crédibilité par rapport aux enjeux climatiques", a-t-il estimé.
Un projet "trop radical"
L'initiative des Vert'libéraux proposait "un changement trop radical et était inutilement compliquée", a réagi Adèle Thorens, co-présidente des Verts. Elle ne regrette toutefois pas d'avoir soutenu ce texte qui va dans la bonne direction. "La fiscalité écologique finira par devenir réalité."
La conseillère nationale vaudoise estime qu'il est tout à fait possible d'obtenir le soutien du peuple pour une taxe sur l'énergie "si le système proposé est simple et si l'argent est redistribué". Et de rappeler qu'il y a déjà une taxe sur le CO2 pour le mazout.
Le "pas par pas" préférable, selon Widmer-Schlumpf
Eveline Widmer-Schlumpf a aussi commenté ces résultats devant la presse au nom du Conseil fédéral.
Concernant le texte des Vert'libéraux, la Grisonne a estimé que "ce résultat montre la confiance envers la politique énergétique actuelle" et a déclaré que le Conseil fédéral entend avancer "pas par pas" plutôt que de changer totalement le système.
La conseillère fédérale estime enfin que ce rejet n'aura pas d'impact sur son projet de taxe écologique (lire: Eveline Widmer-Schlumpf veut augmenter de 26 centimes le litre d'essence)
agences/fme
Les initiatives qui ont fait un flop dans l'histoire
Seule l'initiative pour l'approvisionnement du pays en blé avait fait pire que l'initiative des Vert'libéraux, avec 2,7% de "oui". C'était en 1929.
Suivent ensuite les initiatives pour l'arrestation des citoyens suisses qui compromettent la sûreté intérieure du pays (11% en février 1923), celle pour la monnaie franche (12,4% en avril 1951) et celle pour le prélèvement d'un impôt unique sur la fortune (13% en décembre 1922).
En février 1938, l'initiative contre l'industrie privée des armements (13,6%) et celle contre la clause d'urgence et pour la sauvegarde des droits démocratiques populaires (15,2%) n'avaient pas fait beaucoup mieux.
Le précédent plus mauvais résultat depuis l'introduction du suffrage féminin a été enregistré en décembre 1972: 15,6% de "oui" à l'initiative pour la création de pensions populaires.
Le Conseil fédéral prépare son propre projet
Même si l'idée de remplacer la TVA par une taxe sur l'énergie n'a clairement pas séduit les citoyens suisses dimanche, ils ne seront pas pour autant débarrassés de toute imposition frappant leur consommation d'énergie. Le Conseil fédéral prépare en effet son propre projet. Le gouvernement mettra en consultation à la fin du mois le second volet de sa stratégie énergétique. Le projet prévoira à partir de 2021 un système incitatif avec une taxe dite climatique et une taxe sur l'électricité.
Un moyen efficace pour améliorer l'efficacité énergétique, augmenter la part des énergies renouvelables et réduire les émissions de gaz à effet de serre, estime le Conseil fédéral. Afin que le projet soit fiscalement neutre, les particuliers pourraient bénéficier de crédits d'impôts et les entreprises d'abattements de cotisations AVS ou assurance accidents. Plusieurs variantes seront mises sur la table.
Les consommateurs pourraient devoir payer leur essence 30 centimes de plus par litre et leur huile de chauffage 35 à 55 centimes de plus. Tout dépend du scénario, mais il faut que la hausse atteigne un certain niveau pour induire un changement de comportement. Le peuple devra de toute façon se prononcer. Le Conseil fédéral souhaite inscrire les principes généraux du nouveau système fiscal dans la Constitution.