Lundi matin, le trafic ferroviaire sur l'arc lémanique a été paralysé pendant plusieurs heures en raison d'un "accident de personne", l'euphémisme consacré pour désigner les suicides sur les chemins de fer.
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La sécurité des chemins de fer s'est globalement renforcée au cours des dernières années. Depuis que l'Office fédéral des transports (OFT) tient des statistiques détaillées sur le sujet, le nombre d'accidents du rail mortels a progressivement diminué, passant de 38 en 2005 à 23 en 2013.
En revanche, le nombre de morts volontaires sur les voies ferrées semble être en recrudescence depuis deux ans, bien qu'il soit trop tôt pour parler de tendance. En 2012 et 2013, l'OFT fait respectivement état de 143 et 139 suicides, contre 90 en 2005; cela signifie que plus de 80% des décès survenus sur des installations ferroviaires suisses sont des suicides.
Si l'on met en rapport le nombre de victimes avec les distances parcourues, l'augmentation reste notable.
Les spécialistes n'ont pas d'explication
Ni les CFF, ni l'OFT, ni l'organisme de prévention Stop Suicide ne se risquent à expliquer le phénomène.
Tous reconnaissent par contre l'importance de prendre le problème à bras-le-corps. "Les suicides sur les rails ont un effet terrible non seulement sur les proches mais aussi sur les conducteurs, les passagers... ", explique Sophie Lochet, coordinatrice de Stop Suicide.
"Les CFF, nos conducteurs et nos clients sont aussi victimes", lâche pour sa part Jean-Philippe Schmidt, porte-parole de l'ex-régie fédérale.
Réduire "l'accès aux moyens du suicide"
Désireuse de s'engager davantage pour la prévention du suicide, la compagnie ferroviaire a mis sur place l'an dernier un groupe de travail impliquant différents partenaires, sur lequel elle communique au compte-gouttes.
L'une des premières initiatives concrètes a été l'installation, à différents endroits dans les gares, de panneaux renvoyant au numéro de téléphone 143 de la Main Tendue. D'autres mesures devraient être présentées début mai lors d'une table ronde.
Pour Sophie Lochet, l'objectif doit être la "réduction de l'accès aux moyens de suicide": en général, explique-t-elle, les personnes qui se suicident sur les rails se décident vite. Sécuriser les lieux identifiés comme "à risque" et mettre en place des obstacles permet de "gagner du temps".
Pauline Turuban
Flou autour des lieux "à risque"
Lorsqu'il s'agit de suicide, les compagnies ferroviaires donnent délibérément le moins de détails possible afin d'éviter à tout prix "l'effet Werther", le suicide mimétique. Aussi ignore-t-on quels sont les lieux à risque en Suisse.
On sait toutefois que les "points noirs" cumulent plusieurs caractéristiques: ils sont souvent peu accessibles, la visibilité y est mauvaise et ils sont fréquemment situés à proximité d'endroits où peuvent se trouver des personnes en fragilité psychologique (hôpitaux psychiatriques par exemple).