Une soixantaine de caisses maladie se partagent le marché de l’assurance de base. Or six d’entre elles, dont Assura, Intras ou Supra, proposent le modèle dit du "tiers garant", c'est-à-dire qu'à la pharmacie, l’assuré paie lui-même ses médicaments, puis sa franchise atteinte il envoie ses factures à son assureur pour se faire rembourser.
Ce modèle du tiers garant a séduit 1'249'000 d'assurés en 2015, contre 1'015'000 en 2013.
Les autres caisses, la majorité, appliquent le "tiers payant", c'est-à-dire que l’assuré ne débourse rien au comptoir. Le pharmacien s’arrange avec l'assureur qui fait suivre la facture à l’assuré.
Responsabiliser les patients
Les assureurs qui pratiquent le tiers garant pour les médicaments - prévu par défaut dans la Loi sur l'assurance maladie - défendent ce modèle bec et ongles. Selon eux, celui-ci responsabiliserait les assurés lors de l’acte d’achat.
"En Suisse, nous achetons pour 500 millions de francs par an de médicaments que nous n’utilisons pas", explique Danilo Bonadei, le directeur du département des prestations chez Assura.
Le système du tiers garant, moins gourmand en frais administratifs, permettrait des économies, selon les assureurs concernés, et donc des primes meilleur marché.
Système dissuasif pour les plus pauvres
Dans le canton de Vaud par exemple, si les assurés choisissent de plus en plus le tiers garant (ils étaient 33% en 2013), ce n’est pas le cas des assurés à l’aide sociale. La progression là est minime.
"Le système les en dissuade", analyse Fabrice Ghelfi, chef des assurances sociales et de l’hébergement à l’Etat de Vaud. "Ce système permet certes de faire des économies, puisqu’il sensibilise les gens aux coûts des médicaments. Pourtant, les petits revenus renoncent au tiers garant, car ils ne veulent pas avancer le prix de ces médicaments."
Ils préfèrent alors se diriger chez des assureurs un peu plus chers, mais qui gardent le système du tiers payant.
Un outil de sélection des risques?
Pour ses détracteurs, le tiers garant s’apparente à un outil de sélection des risques, alors que les assureurs concernés s’en défendent.
Pour les plus pauvres, disent-ils, il y a toujours le moyen de s’arranger avec son pharmacien. On parle alors de "cession de créance". Chez Assura, 6% des assurés ont opté pour cette solution qui permet d’éviter d’avancer de grosses sommes d’argent en pharmacie.
Emmanuelle Jaquet/ebz
Interventions au Parlement
Au Parlement, le sujet a déjà provoqué de nombreux débats. Une initiative de la vert'libérale Margrit Kessler qui vise à supprimer le tiers garant dans le cas de médicaments onéreux a été acceptée dans un premier temps en commission, puis gelée le temps du débat sur la caisse unique.
La socialiste zurichoise Jacqueline Fehr a aussi déposé une initative parlementaire qui demande que le système soit plus transparent pour les assurés.
Un système méconnu du grand public
Pour le conseiller national socialiste Jean-François Steiert, le système est méconnu du grand public: "Même des gens qui ont des titres universitaires se sentent assez vite perdus dans ces explications, alors je pense que beaucoup de gens en Suisse ont vraiment de la peine à comprendre ces choses."
L'Office fédéral de la santé publique a décidé d’adapter son site internet d’ici l’automne prochain et d’y mettre des définitions claires sur ces modèles de tiers payant et de tiers garant.