La retraite, ce cap si particulier...

Grand Format

Keystone - Gaëtan Bally

Introduction

Alors qu’il sera beaucoup question de retraite en 2016 avec la nouvelle réforme proposée par le conseiller fédéral Alain Berset, Mise au Point a suivi pendant près d’un an trois Romands, Mireille, Jean-Claude et Jacques-André, des derniers jours de leur activité professionnelle à leur nouvelle vie de retraités.

Toujours plus de "seniors"

La proportion de retraités dans la population suisse totale n'a de cesse d'augmenter. De quelque 430'000 personnes de 65 ans et plus à l'heure de l'introduction de l'AVS en 1948, la Suisse en comptait près d'un million et demi en 2014... le nombre de "seniors" a donc plus que triplé en près de 70 ans.

D'après les prévisions de l'Office fédéral de la statistique, le ratio actuel d'un retraité pour environ 3,5 actifs (dans la tranche 20 à 64 ans) ne sera plus que d'un retraité pour 2,3 actifs en 2035. Le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans augmentera, lui, de 30 à 40% jusqu'en 2030.

Ainsi, l'espérance de vie à la naissance des hommes comme des femmes a constamment augmenté depuis 1948. A l'époque, elle était de 64,9 ans pour les femmes et de 69,1 ans pour les hommes, contre 81 et 85,2 actuellement.

Mais parallèlement, l'âge de la retraite a connu peu d'adaptations: avec la hausse de l'espérance de vie à 65 ans, le nombre d'années qui doivent être couvertes par la prévoyance est plus important.

Les trois protagonistes

Mais au-delà des chiffres, le passage à la retraite est un cap délicat. Trois Romands ont accepté de témoigner dans Mise au Point.

Mireille

Mireille Balahoczky été pendant plus de 40 ans infirmière puis responsable des soins aux Hôpitaux universitaires genevois. Originaire d’Haïti, cette femme dynamique a déjà reporté d’une année son départ à la retraite. Elle se réjouit de souffler un peu, pourtant, elle va devoir affronter une épreuve durant les premiers jours de sa nouvelle vie.

Jacques-André

Jacques-André Schneider a été l’une des figures du bureau régional du canton de Vaud pour la RTS, arpentant toute la région caméra au poing. Passionné, il avait d’abord souhaité pouvoir continuer à travailler au-delà de l’âge de la retraite mais il s’y est, au final, résolu. Et entre les sorties à la montagne, la photographie et ses petits-enfants, ses journées sont tout aussi remplies.

Jean-Claude

A 65 ans, Jean-Claude Schneuwly joue encore régulièrement au hockey sur glace. Chef des services extérieurs (voirie, parcs et jardins, routes, cimetière…) et des sports de Villars-sur-Glâne pendant plusieurs décennies, il a été un pilier de sa commune. Il passe la main sans regret, même s’il peine à contenir ses larmes au moment de passer le flambeau à son successeur. Sa plus grande peur, perdre son autonomie.

Mireille Balahoczky
Mireille Balahoczky
Jacques-André Schneider
Jacques-André Schneider
Jean-Claude Schneuwly
Jean-Claude Schneuwly

Episode 1: la perspective d'une nouvelle vie

Longue vie à la retraite!
Mise au point - Publié le 10 janvier 2016

A quelques jours de la retraite, Mireille n'a pas encore la tête à ses cartons. Sa priorité, c'est de régler tout ce qu'elle a à faire avec le personnel, les soucis du quotidien. "Je vais avoir l'impression de ne rien faire, je n'aurai plus une activité aussi soutenue que le travail que j'ai eu pendant plusieurs années... mais je crois que je vais apprécier ça", lance-t-elle.

Je n'aurai plus une activité aussi soutenue (...) mais je crois que je vais apprécier ça.

Mireille, nouvelle retraitée

Bien que Jean-Claude soit hyperactif et très organisé, il ne sait pas encore à quoi va ressembler sa retraite. Mais il compte bien garder quelques mandats, donner des coups de main. "C'est passé vite... trop vite, beaucoup trop vite!".

Jacques-André, lui, effectue son dernier tournage en montagne, à Villars. Il peine à réaliser que c'est presque fini. Il y a peu de temps, il avait demandé une prolongation de son contrat, sans succès. "Physiquement, je pourrais continuer encore quelques années. Mais je crois qu'il faut savoir s'arrêter", reconnaît-il.

Gilles Clémençon
Gilles Clémençon

De plus en plus de Suisses arrivent à la retraite en pleine forme, et ce n’est pas toujours facile de raccrocher.

Gilles Clémençon, journaliste

"Ça fait quoi de vivre son dernier jour de travail ? Et après, on fait quoi ? C’était vraiment l’idée de base de ce feuilleton documentaire. D’autant qu’aujourd’hui, de plus en plus de Suisses arrivent à la retraite en pleine forme et que ce n’est pas toujours facile de raccrocher", explique Gilles Clémençon, le journaliste qui a réalisé ce feuilleton pour Mise au Point.

Episode 2: l'émotion du dernier jour

Vis ma retraite 2-3
Mise au point - Publié le 17 janvier 2016

Mise au point a suivi les trois futurs retraités lors de leur dernier jour de travail.

"Il y a un peu de fatigue qui s'est installée ces derniers temps, qui m'aide beaucoup à partir. J'entends mes collègues, et s'il fallait que j'aille faire ces sujets... je n'en aurais plus envie", admet Jacques-André en triant les centaines de cartes de visites accumulées au cours de sa carrière.

"Je vous le dis, je ne ferai pas le retraité qui vient dire bonjour au bureau. On ne se verra plus, sauf si on le veut vraiment!", lance-t-il lors de son pot de départ.

On ne fait plus partie des actifs, on part dans l'inconnu.

Jean-Jacques, nouveau retraité

Jean-Jacques partage son bureau avec son successeur, pour passer le témoin en douceur après 40 ans au même poste. Mais il peut difficilement cacher son émotion au moment du grand repas de fête qui conclut sa carrière. "On ne fait plus partie des actifs, on part dans l'inconnu", explique-t-il.

"C'est émouvant, mais il n'y a pas de tristesse", décrit Mireille en quittant l'hôpital. "Je te donne les clefs du royaume!", dit-elle à celle qui va lui succéder.

"La retraite provoque parfois des sentiments ambivalents. Il y a d’un côté la joie de pouvoir enfin lever le pied, un véritable soulagement après une longue carrière. Mais il y a aussi les angoisses : comment je vais vivre sans ce travail qui a occupé presque tout ma vie ? Qu’est-ce que je vais faire après ?", analyse Gilles Clémençon.

Il y a la joie de pouvoir enfin lever le pied, un véritable soulagement après une longue carrière.

Gilles Clémençon, journaliste

Episode 3: Et après?

Longue vie à la retraite (3-3)
Mise au point - Publié le 24 janvier 2016

Jacques-André, Jean-Claude et Mireille profitent désormais de leur retraite.

"Au travail, on n'a pas une minute... à la retraite, on n'a plus une seconde", décrit Jacques-André, qui partage son temps entre ses petits-enfants et sa passion pour la photographie. Avec son épouse, il évoque l'aménagement de l'espace dans l'appartement et du temps, avec le début de cette nouvelle vie.

Au travail, on n'a pas une minute... à la retraite, on n'a plus une seconde !

Jacques-André, nouveau retraité

Jean-Claude, lui, s'est mis au vert dans un alpage: il effectue des travaux agricoles, souvent physiques, et il peint. Il reste également actif dans sa commune de Villars-sur-Glâne. "L'activité, c'est le moteur qu'il faut faire tourner. (...) Lorsque l'on devient une charge pour la société, cela ne vaut plus la peine de vivre", estime-t-il.

La mort ne me fait pas du tout peur.

Mireille, nouvelle retraitée

Huit jours après son départ à la retraite, Mireille a dû faire face à un drame personnel qui a chamboulé ses projets. Elle reste pourtant très positive. "La mort ne me fait pas du tout peur. Je crois que j'ai une mission... celle d'aider ma fille à faire grandir ses enfants!", déclare-t-elle.

"Ce que j’ai appris de ce tournage, c’est d’abord qu’il n’est pas si facile que ça de parler de la retraite", raconte Gilles Clémençon. "Ce passage, c’est un vrai saut dans l’inconnu, qui soulève des questions existentielles, autour du sens de la vie et de la mort", raconte Gilles Clémençon.

Ce passage, c’est un vrai saut dans l’inconnu, qui soulève des questions existentielles, autour du sens de la vie et de la mort.

Gilles Clémençon, journaliste

"C'est une des grandes étapes de la vie. On naît, on se marie, on a des enfants, on part à la retraite... et ensuite on meurt. Je schématise, mais statistiquement, on est quand même un peu au bout!", estimait d'ailleurs Jacques-André dans le deuxième épisode.

"Cela n’a pas été simple de de trouver trois Romands d’accords de s’ouvrir à ces questions-là. J’en profite pour remercier Mireille, Jean-Claude et Jacques-André qui en ont eu le courage, et l’ont fait avec pudeur et franchise", conclut-il.

L'âge de la retraite, un tabou?

En Suisse, l’âge légal de la retraite est actuellement de 65 ans pour les hommes et de 64 ans pour les femmes. Mais dans son projet de refonte globale de la prévoyance vieillesse, le conseiller fédéral Alain Berset préconise d'augmenter d'une année le départ des femmes à la retraite.

Ce relèvement s'effectuerait par étapes de trois mois supplémentaires par an à partir de l'entrée en vigueur de la réforme, au plus tôt en 2018.

La réforme Berset divise

Pour les partisans, il s'agit de rendre équitable le traitement entre hommes et femmes (sachant que les femmes vivent en moyenne trois ans de plus que les hommes), mais aussi un moyen d'assurer le financement de la prévoyance. Certains jugent même qu'il faudrait élever l'âge de la retraite à 67 ans pour tous les travailleurs.

Mais l'idée fait aussi grincer des dents: pas question de faire travailler les femmes une année de plus si l'égalité salariale n'est pas atteinte!

"Il faut agir car la société évolue très vite"

Sur le plateau de Mise au Point dimanche, Alain Berset a rappelé le "besoin d'agir car la société évolue très vite". Certaines personnes veulent pouvoir travailler plus longtemps, elles ont "au début l'envie de poursuivre", tandis que d'autres préféreraient arrêter plus tôt, a estimé le conseiller fédéral.

"Il faut rendre le système actuel plus flexible et garantir des rentes qui soient sûres", a-t-il ajouté. Sur la question de l'égalité salariale, il a également déclaré qu'il était "essentiel d'avancer dans ce domaine", mais sans faire obstacle à la réforme de la prévoyance vieillesse.

L’interview d’Alain Berset, chef département de l’intérieur
Mise au point - Publié le 24 janvier 2016

Débat récurrent

Ce n'est pas la première fois que le débat est ouvert. Le conseiller fédéral radical Pascal Couchepin s'était heurté aux protestations des syndicalistes en 2003, avec son projet de relever l'âge de la retraite à 67 ans:

Comme si c’était hier
Mise au point - Publié le 10 janvier 2016

Crédits

Reportages: Gilles Clémençon

Textes et réalisation web: Jessica Vial et Sophie Badoux