Une personne sur mille naît avec une "dysphorie de genre", un trouble de l'identité sexuelle qui désigne les personnes qui doutent de leur appartenance sexuelle. Pour affirmer cette dernière, certaines de ces personnes choisissent de subir une opération pour changer de sexe. Un parcours du combattant administratif et psychologique les attend. Mais au niveau de la prise en charge des coûts, les choses pourraient être en passe d'évoluer en Suisse.
L'expertise d'un professeur de chirurgie belge, mandaté par le Tribunal cantonal de Lausanne et publiée par l'émission de la RTS "On en parle", révèle mardi que les médecins effectuant des interventions chirurgicales de changement de sexe en Suisse ne pratiqueraient pas suffisamment pour égaler la qualité des chirurgies effectuées dans des centres spécialisés à l'étranger.
Un rapport qui pourrait infléchir les conditions de prise en charge d'opérations subies à l'étranger par l'assurance maladie de base (LAMal).
Une dizaine d'opérations par an
En Suisse, seule une dizaine d'opérations de ce genre ont lieu chaque année, contre plus de 140 dans un seul centre spécialisé en Thaïlande.
"En Suisse, la pratique est éparpillée dans différents centres - Bâle, Zurich ou Lausanne notamment - si bien que le spécialiste suisse ne va pas faire un nombre d'opérations suffisant pour acquérir des compétences, un doigté et finalement une qualité équivalente à ce que des centres à l'étranger peuvent offrir", a expliqué à la RTS Joël Crettaz, avocat-conseil pour l'Association suisse des assurés (ASSUAS), qui défend en ce moment une patiente qui se bat pour le remboursement de son opération à l'étranger.
Actuellement, un traitement à l'étranger n'est pris en charge par la LAMal qu'à la condition qu'il ne soit pas proposé dans les hôpitaux suisses ou parce que l'alternative en Suisse présente des risques accrus. En s'appuyant sur l'expertise du Dr. Monstrey, c'est sur ce dernier point que l'avocat de l'ASSUAS tente de montrer que l'expérience des chirurgiens en Suisse pour ce type d'opération reste encore insuffisante.
Le verdict dans ce procès en cours est attendu ces prochaines semaines.
Conditions restrictives et obsolètes?
Il faut savoir que pour accéder à une opération de changement de sexe en Suisse, les conditions sont très restrictives. Un diagnostic psychiatrique, "souvent très stigmatisant et déstabilisant", selon plusieurs témoignages, est tout d'abord nécessaire. Il faut ensuite attendre au minimum 2 ans pour s'engager dans un traitement thérapeutique dans lequel vient s'inscrire l'opération chirurgicale. Enfin, dernier critère, il faut être âgé de plus de 25 ans pour engager la démarche.
Les conditions d'accès à une opération de changement de sexe datent d'il y a plus de 20 ans. Les pratiques ont largement évolué aujourd'hui, surtout à l'étranger.
Des conditions que l'avocat de l'ASSUAS estime dépassées: "ces critères ont été fixés par le Tribunal fédéral dans un arrêt qui remonte à plus de 20 ans, soit 1994, et donc avant même l'entrée en vigueur de la LAMal qui date, elle, de 1996".
"Sur le plan juridique, il est étonnant que 20 ans plus tard on en soit toujours aux mêmes conditions, surtout lorsqu'on regarde les pratiques qui existent à l'étranger".
Mais du moment qu'il s'agit d'un processus irréversible, la loi suisse est très prudente. C'est aussi pour cela que bon nombre de personnes choisissent de se faire opérer à l'étranger, même si elles doivent payer de leur poche.
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Sophie Badoux/Yves-Alain Cornu