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"Le 2e tube au Gothard n'est pas une question d'argent mais de sécurité"

Le PLR vaudois Olivier Français sur le plateau d'Infrarouge le 27 octobre 2015. [Magali Girardin]
Le PLR vaudois Olivier Français sur le plateau d'Infrarouge le 27 octobre 2015. - [Magali Girardin]
Olivier Français (PLR/VD) défend ardemment la construction d'un deuxième tube routier au Gothard. Le conseiller aux Etats et municipal lausannois insiste sur l'amélioration de la sécurité du trafic et la nécessité d'éviter l'isolement du Tessin.

RTSinfo: "C'est de la folie d'investir 3 milliards de francs pour quelque chose qui n'est pas nécessaire", affirme l'architecte tessinois Antoine Turner, membre du PLR. Que répondez-vous à votre collègue de parti?

Olivier Français: C'est une erreur d'expression, une erreur maladroite. D'abord, ce chiffre de 3 milliards n'a aucun sens. Il faut comparer le coût de la construction d'un deuxième tube et celui de la solution proposée par les opposants. La différence tombe alors à un milliard de francs. Mais surtout, ce n'est pas un problème d'argent, c'est un problème de sécurité. Je ne m'amuse pas à dépenser 3 milliards pour dépenser 3 milliards. 

(Lire  aussi: "Investir près de 3 milliards pour un 2e tube au Gothard est de la folie")

Mais pourquoi faut-il nécessairement construire un deuxième tube?

Le tunnel du Gothard doit être mis aux normes. Notre solution permet avant tout d'éloigner tout risque de collision frontale en mettant fin au trafic bidirectionnel. Cela augmente très sensiblement la sécurité des biens et des personnes. Pour le reste, le deuxième tube empêche une rupture de flux durant les trois ans que devraient durer les travaux de rénovation du tube actuel. Il s'agit d'éviter l'isolement du Tessin et des conséquences très négatives sur l'économie tessinoise.

Mais il existe un plan B, le transbordement temporaire du trafic routier sur le rail.

Les variantes sont toutes intéressantes et elles ont été étudiées avec attention par le Parlement. Mais au final, le deuxième tube a été préféré. Le transbordement aurait des conséquences environnementales gigantesques, les installations nécessaires occupant une surface de 22 terrains de football. De plus, le rail ne pourrait pas absorber la totalité des flux, ce qui conduirait à un report du trafic sur les cols alpins et en Suisse romande, au Simplon et au Grand-Saint-Bernard.

Construire des zones de triage, c'est massacrer des terres agricoles.

Les opposants vous retournent l'argument environnemental. En matière d'emprise au sol, entre le chantier et le stockage des matériaux d'excavation, le projet n'est-il pas encore pire?

Tout d'abord, on peut produire du béton avec une partie des matériaux d'excavation et les réinjecter ainsi dans l'ouvrage. Le reste peut être valorisé pour développer une activité agricole ou humaine, par exemple pour stabiliser des talus, bâtir dessus ou en faire des zones agricoles. C'est du terrain noble, pas du terrain pollué. A l'opposé, construire des zones de triage, c'est massacrer des terres agricoles. Le bilan écologique est vite réglé.

Toujours du point de vue écologique, faire deux tubes va inévitablement augmenter le trafic, donc la pollution, selon les opposants.

Ils savent très bien que ce n'est pas vrai puisque la loi votée par le Parlement restreint le trafic à une voie par tube, ce qui respecte l'article constitutionnel adopté par le peuple en 1994.

N'est-ce pas cependant un premier pas vers l'ouverture des quatre voies?

Je répète, la loi est très claire: c'est une voie de circulation par tube. Si quelqu'un veut lancer le débat, il a le droit de le faire, on est en démocratie. Je ne peux pas assurer que personne, demain, ne va proposer d'utiliser les quatre voies au Gothard. Mais pour cela, il faudra modifier la Constitution et l'accord du peuple suisse est obligatoire.

Construire un nouveau tube routier, n'est-ce pas un mauvais signal dans le cadre de la politique de transfert de la route au rail?

L'investissement dont on parle est très faible - j'insiste - en regard de celui consacré au rail. Bien sûr, il faudra tout faire pour que le trafic, surtout celui des poids lourds, passe en priorité par le rail: on n'a pas investi 24 milliards [ndlr, dans la NLFA, la Nouvelle ligne ferroviaire à travers les Alpes] pour voir un tube vide. Mais vu l'évolution prévue du transit international de marchandises entre les ports de Rotterdam et de Gênes, on estime que le tunnel de base du Gothard, qui sera inauguré en juin 2016, pourrait rapidement atteindre sa capacité maximale.

Si on commence la guerre des régions, c'est grave!

Reste qu'il passe 17'000 véhicules par jour au Gothard, nettement moins que sur l'Arc lémanique ou dans la région zurichoise. N'y a-t-il pas un problème de priorité des investissements?

Si on commence la guerre des régions, c'est grave! Dans ce cas, on pourrait demander pourquoi il faut entretenir l'autoroute Lausanne-Villeneuve. Y avait-il une utilité à le faire aussi vite? Je peux vous donner plein d'exemples comme ça. En vérité, la construction d'un deuxième tube au Gothard n'a aucun impact ni sur l'entretien des routes nationales, ni sur les engagements dans les goulets d'étranglement, ni sur le développement du réseau.

Pour trois cantons romands (Vaud, Genève et Neuchâtel), ce projet entre néanmoins en concurrence avec d'autres jugés plus urgents en Suisse romande.

C'est faux. Le Conseil fédéral propose de financer le contournement de Morges via FORTA, le Fonds pour les routes nationales et le trafic d'agglomération. Mais avec les études et les oppositions, le début des dépenses est prévu vers 2030 seulement. Et en ce qui concerne la route d'évitement du Locle et de La Chaux-de-Fonds, on ne dispose pas, à l'heure actuelle, des mesures structurelles pour en garantir le financement. Cela n'a donc rien à voir avec le Gothard.

Propos recueillis par Didier Kottelat

>> Lire aussi : "Un 2ème tube au Gothard torpillerait les investissements ferroviaires"

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