"Un 2e tube au Gothard torpillerait les investissements ferroviaires"

RTSinfo: Le percement d'un deuxième tube au Gothard est la seule solution durable pour assurer la sécurité d'un tunnel routier qui ne répond plus aux normes actuelles, affirment les défenseurs du projet. Que leur répondez-vous?

Lisa Mazzone: C'est faux. Une étude du BPA a prouvé que si l'on augmentait la charge de trafic de 3% au Gothard, on perdrait tout le gain de sécurité acquis avec un deuxième tunnel. On sait déjà que l'on s'apprête à doubler le nombre de camions qui passent, par conséquent la sécurité n'en sera que péjorée.

Quelle alternative proposez-vous?

Le transfert vers le rail est une solution beaucoup plus sûre. Je rappelle que le tunnel ferroviaire de base du Gothard ouvrira en juin de cette année: il faut que l'on profite des infrastructures. C'est le chantier du siècle, pour lequel on a massivement investi, et qui fait partie de la stratégie pour décharger les Alpes du trafic de transit des marchandises. Là, on est en train de le torpiller.

Vous voulez dire que le 2ème tunnel routier au Gothard fait doublon avec les nouvelles lignes ferroviaires à travers les Alpes, comme le tunnel de base du Gothard qui ouvrira en juin et celui du Monte Ceneri en 2019?

Pire que cela, il annule leur effet. Ces projets ferroviaires sont une réponse à l'initiative des Alpes, qui doit limiter le trafic de marchandises par la route: le projet de 2e tube est donc anticonstitutionnel. D'autre part, Doris Leuthard l'a dit elle-même, construire un 2e tunnel et utiliser seulement la moitié de la capacité disponible est une hypocrisie. A terme, il est clair que les quatre voies seront utilisées, d'autant plus que l'accord avec l'UE stipule que nous ne pouvons pas faire de réserves de capacité artificielles.

Doris Leuthard l'a dit elle-même, construire un 2e tunnel et utiliser seulement la moitié de la capacité disponible est une hypocrisie.

Vous craignez aussi que le financement du Gothard n'entre en concurrence avec celui d'autres projets routiers, notamment sur l'arc lémanique, et ne reporte leur réalisation...

Avec les Verts, nous ne soutenons pas le développement d'un nouveau réseau routier, mais des projets d'agglomération ou de mobilité durable sont à privilégier pour réduire le trafic de transit dans les agglomérations.

C'est-à-dire?

Le Gothard accueille un trafic d'importance secondaire, soit 17'000 véhicules par jour, qui est stable depuis quinze ans. Dans certaines régions, il y a une demande beaucoup plus importante en charge de trafic, qui porte atteinte à la qualité de vie. C'est pour cela que les cantons de Vaud, Bâle, Neuchâtel et Genève avaient par exemple dit non au deuxième tube lors de la consultation.

Vos arguments sont donc également environnementaux?

Le Tessin est la région à l'air le plus pollué de Suisse, et l'augmentation des véhicules en transit va encore empirer la situation. C'est une question de santé publique, et donc de sécurité. La préoccupation est aussi d'ordre climatique, et après les annonces faites à la conférence de Paris, ce projet est incohérent.

Le besoin de rénovation du tunnel est pourtant bien réel!

Nous ne le remettons pas en doute. Mais lorsque l'on rénove sa maison, on n'en construit pas une deuxième à côté le temps des travaux! La réfection peut tout à fait se faire par une fermeture hivernale: c'est d'ailleurs ce que proposait d'abord le Conseil fédéral.

Lorsque l'on rénove sa maison, on n'en construit pas une deuxième à côté le temps des travaux!

Les partisans du deuxième tube évoquent aussi une atteinte à la cohésion nationale, car le Tessin serait isolé par une fermeture pour rénovation. Cela ne vous inquiète pas?

Avec le ferroutage, on aurait l'assurance à pouvoir continuer à traverser le Gothard, même pour le trafic individuel privé, car l'espace d'embarquement existe déjà. Et il faut entendre les Tessinois: il y a dans le canton une véritable mobilisation contre le tunnel, beaucoup sont préoccupés par la croissance du trafic poids-lourds.

Selon le dernier sondage SSR, près de deux tiers des Suisses (64%) plébisciteraient la construction du second tube. Vous croyez à un renversement d'ici au 28 février?

Nous ne nous avouons pas vaincus. Le peuple a déjà exprimé plusieurs fois par le passé sa volonté de ne pas augmenter le trafic de poids-lourds à  travers le pays en passant par les Alpes. Nous faisons beaucoup de travail de terrain, notamment en Suisse romande, où beaucoup de gens ne sont pas sensibilisés au dossier, notamment à la mise en concurrence avec d'autres projets d'agglomérations qui les concernent.

Propos recueillis par Jessica Vial

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