Alors que le ministre français de la Ville Patrick Kanner a affirmé dimanche qu'une centaine de quartiers en France présentaient des similitudes potentielles avec Molenbeek, la commune bruxelloise à la réputation de fief djihadiste, la question se pose également concernant la Suisse.
Selon Mallory Schneuwly-Purdie, chargée de projet au Centre suisse islam et société de l'Université de Fribourg, interrogée dans le Journal du matin de la RTS, la dynamique n'est pas du tout la même en Suisse qu'en France ou en Belgique. Contrairement à ces pays, il n'existe pas de quartiers à haute concentration d'étrangers ou de musulmans radicalisés. On peut seulement parler de certaines régions qui ont envoyé davantage de personnes vers la Syrie, mais pas de "foyers".
Pas de cellule de recrutement
La chercheuse ne souhaite pas généraliser le phénomène, mais constate tout de même une différence des deux côtés de la frontière linguistique. En Suisse romande, les personnes radicalisées qui sont parties ne gravitent pas autour de la même mosquée ou du même imam, alors que c'est le cas de Winterthour (ZH), qui totalise au moins 7 djihadistes, et dans une certaine mesure de Bienne.
Mais de là à parler de foyer, les chercheurs ne franchissent pas le pas. Samuel Althof, en charge du Bureau de prévention de l'extrémisme et de la violence (Fexx), affirmait ainsi fin février dans le Tages-Anzeiger que cette concentration dans la ville zurichoise n'est que le fruit du hasard, qu'il n'y a à sa connaissance aucune cellule chargée de recruter des gens à Winterthour, ni ailleurs en Suisse d'ailleurs.
Des motivations très variées
Reste la question des motivations des djihadistes partis de Suisse. Concernant la Belgique et la France, l'inégalité face à l'accès au travail, le chômage ou le manque de perspective sont souvent avancés. Mallory Schneuwly-Purdie confirme qu'il en va de même pour la Suisse, où il existe aussi des discriminations. Mais il est difficile de comparer, car la configuration urbaine n'est pas la même, tout comme le contexte géopolitique ou les liens historiques de la Suisse avec les pays musulmans.
Selon une recherche de la Haute école des sciences appliquées de Zurich publiée en septembre dernier sur la base des C.V. des djihadistes partis de Suisse (voir ci-dessous), il est difficile d'établir un profil de l'aspirant guerrier de l'islam. Mais les jeunes musulmans de Suisse ont grandi avec le 11-Septembre, la votation contre les minarets ou le débat contre la burqa, et ce contexte favorise la radicalisation.
L'étude note aussi comme points communs dans le parcours de certains des djihadistes suisses l'absence de père, une sensibilité à la propagande sur internet, les promesses d'égalité et de valorisation de la part des groupes salafistes, la possibilité d'avoir un rôle actif de combattant ou encore l'islam radical comme contre-modèle.
boi
>> Les chiffres des voyageurs du djihad partis de Suisse (mars 2016) : Les voyageurs du djihad partis de Suisse, les chiffres de mars 2016.
72 djihadistes sont partis de Suisse
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) publie chaque mois le nombre de voyageurs motivés par le djihad qui sont partis de Suisse et qui ont transité par des zones de conflits.
Depuis 2001 et jusqu'à mars 2016, 72 cas ont été recensés, le même nombre qu'en février. Un total de 58 sont partis vers la Syrie et l’Irak et 14 vers la Somalie, l’Afghanistan et le Pakistan.
Certains de ces djihadistes sont encore sur place et 18 seraient décédés, dont 11 décès confirmés. Le nombre des retours se monte à 12 (dont 9 confirmés).
Sur les 72 cas mentionnés, 28 sont détenteurs de la nationalité suisse, dont 16 binationaux.