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L'ambassadeur suisse au Nigeria sera rappelé, estime Thomas Borer

L'ancien ambassadeur Thomas Borer. [Keystone - Alessandro della Bella]
Le choix d'un ambassadeur doit-il être militant? / Forum / 8 min. / le 12 avril 2016
L'ex-diplomate Thomas Borer estime que l'ambassadeur suisse au Nigeria - dont le compagnon serait sous enquête en raison d'une loi antigays - ne peut plus y défendre les intérêts du pays et sera rappelé par le DFAE.

L'ambassadeur de Suisse vit depuis plusieurs années avec son conjoint brésilien. Ils étaient déjà en mission ensemble, précédemment, à Madagascar et en Argentine. Mais au Nigeria, comme au Congo ou au Liberia, les lois antigays sont sévères: de lourdes peines de prison sont prévues pour les contrevenants aux lois antigays. S'afficher en public avec son conjoint est illégal.

Or le quotidien nigérian Daily Trust a révélé l'affaire d'une potentielle enquête contre le conjoint dimanche. L'information n'est cependant pas confirmée par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).

"Même avec l'immunité, il aurait des difficultés"

"Je regrette de dire qu'apparemment, il n'est plus en mesure [de remplir sa mission], parce qu'il y aura probablement une procédure criminelle contre lui et son partenaire", commente mardi dans l'émission Forum Thomas Borer, ancien ambassadeur de Suisse aux Etats-Unis, en Allemagne, mais aussi au Nigeria à la fin des années 1980.

"Il est protégé par la Convention de Vienne, il a l'immunité (…) Son partenaire malheureusement pas. Mais même avec l'immunité, il aurait des difficultés pour défendre nos intérêts, ce qui est la tâche prioritaire. Je crois que le département va le retirer dans les semaines qui suivent", poursuit Thomas Borer, qui a également été secrétaire général adjoint du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), en charge notamment du personnel diplomatique.

L'ex-diplomate estime par ailleurs que le choix de cet ambassadeur n'est pas des plus heureux: "J'ai l’impression que l'on a pas vraiment fait tous 'les devoirs'. Normalement, on devrait s'informer sur la vie privée d'un ambassadeur (…) Et naturellement, on devrait savoir qu'au Nigeria l'homosexualité est malheureusement défendue."

D'autres réactions politiques contrastées

Le conseiller national UDC Yves Nidegger estime également qu'envoyer un ambassadeur homosexuel et son conjoint au Nigeria a été une très mauvaise idée. "Si l'on veut des rapports facilités par quelqu'un d'utile pour la Suisse, il ne faut pas arriver avec un obstacle (…) Je ne sais pas qui a pris cette décision mais à mon avis elle était un peu sotte", précise le Genevois.

Une opinion qui n'est par contre pas partagée par le conseiller national PS Tim Guldimann. Pour l'ex-diplomate, envoyer un ambassadeur gay au Nigeria peut faire évoluer les mentalités sur place, et éveiller les consciences ici.

"Le fait que, chez nous, on se rend compte que les droits de l'homme selon notre compréhension sont violés dans ce pays, c'est déjà bien", constate le Zurichois. S'il y a un problème, ajoute-t-il, "ce n'est pas que la Suisse a envoyé un ambassadeur homosexuel dans ce pays, c'est que ce pays a des lois qui ne sont pas acceptables pour nos convictions en matière de droits de l'homme."

Ce dernier argument n'est toutefois pas recevable pour Thomas Borer. "Un ambassadeur n'est pas là pour imposer la culture suisse dans un pays comme le Nigeria, ou l'Arabie saoudite ou la Russie. Sa tâche est de défendre nos intérêts."

De son côté, le DFAE refuse de commenter cette affaire considérée comme privée.

Muriel Ballaman/oang/jzim

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