Roche, Novartis, Merck Serono, la faîtière Interpharma: presque tous les acteurs de l'industrie pharmaceutique figurent dans des contrats passés en toute discrétion avec des universités suisses, révèle mercredi SRF, qui a pu obtenir le détail de ces contrats grâce à la loi sur la transparence (voir infographie en bas de l'article).
Les groupes privés sont prêts à payer cher leur influence sur les universités: les contrats passés au crible par l'émission Rundschau vont de 450'000 francs à 12,5 millions de francs.
Trois chaires financées par Merck à l'EPFL
Ce gros contrat à 12,5 millions a été passé en 2007 entre l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et la firme pharmaceutique allemande Merck Serono, et il va particulièrement loin.
Nous respectons, valorisons et protégeons explicitement l'indépendance de la recherche et de l'enseignement.
Le groupe finance trois chaires, dans les domaines de la neuroscience, de la délivrance de médicaments et de l'oncologie. Deux de ces chaires sont encore actives. Et cet accord lui donne des droits pouvant menacer l'indépendance de la recherche universitaire, note SRF.
Merck peut demander des modifications
Selon le contrat, les chercheurs doivent en effet présenter les résultats de leurs recherches tous les trois mois à la firme. Si des résultats ne lui conviennent pas, Merck Serono a la possibilité de réclamer que des "modifications acceptables" soient apportées à la publication.
Mais le porte-parole de Merck Gangolf Schrimpf l'a assuré à Rundschau: "Nous respectons, valorisons et protégeons explicitement l'indépendance de la recherche et de l'enseignement". L'entreprise n'interviendrait qu'à la marge, sur les aspects "scientifiques" des publications.
Ces contrats (...) interfèrent massivement avec l'indépendance des universités suisses.
Le professeur de droit constitutionnel bernois Markus Müller, lui, s'indigne de cette pratique. "Ces contrats avec des entreprises pharmaceutiques interfèrent massivement avec l'indépendance des universités suisses", estime-t-il.
Et de rappeler que l'indépendance de l'enseignement et de la recherche dans les universités suisses est garantie par la Constitution fédérale.
Certaines clauses ambiguës, reconnaît l'EPFL
De l'aveu même du directeur de la communication de l'EPFL Jérôme Grosse, contacté par la RTS, certaines clauses sont ambiguës. Aujourd'hui jamais l'EPFL ne rédigerait un contrat de cette manière, dit-il, tout en précisant qu'à ce jour Merck Serono n'a jamais usé de ces pouvoirs. Selon Jérôme Grosse, l'autonomie des chercheurs est implicite et ne peut de toute façon pas être remise en question.
Ce type de contrat avait déjà fait polémique en 2014, lorsque Nestlé avait obtenu un droit de regard sur la nomination de professeurs de l'EPFL, ou encore en 2011 lorsque l'Université de Zurich avait touché 100 millions de francs de la part d'UBS.
Marc Meschenmoser/TB/ptur
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