L'ordonnance sur le matériel de guerre ne permet pas d'exportations si le pays de destination est impliqué dans un conflit armé interne ou international. Cette disposition a été ajoutée en 2008 pour contrer l'initiative populaire "Pour l'interdiction d’exporter du matériel de guerre" du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA).
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La question est de savoir si, comme le Conseil fédéral, on entend par conflit interne uniquement celui qui prévaut dans le pays de destination lui-même. Ce qui n'interdirait explicitement que les ventes au Yémen.
Evelyne Schmid, de l'Université de Bâle, ne partage pas cet avis. Selon elle, l'ordonnance ne laisse place à aucune interprétation. Son énoncé ne contient aucun critère territorial. Pas question non plus, comme l'a fait le gouvernement, d'autoriser certaines ventes d'armes et pas d'autres suivant qu'elles pourraient ou non être utilisées au Yémen.
Débat ancien
En 2009 déjà, l'interprétation de la disposition avait fait polémique. Emmené par Evelyne Schmid, un groupe de 70 professeurs de droit et d'experts avaient alors estimé que l'ordonnance empêchait d'exporter des armes vers des pays impliqués dans les conflits en Afghanistan ou en Irak.
Avec une telle interprétation, il ne serait dès lors plus permis de vendre du matériel de guerre aux Etats-Unis, à l'Allemagne et à la France. La Suisse continue pourtant de la faire. L'an dernier, les ventes vers ces trois pays se sont élevées à 164 millions de francs.
Tergiversations
Le gouvernement s'est repenché récemment sur la question des pays du Golfe. Il y a été amené après que les milieux économiques ont demandé de revenir sur le moratoire décidé en mai 2015 sur les livraisons d'armes vers l'Arabie saoudite. Des commandes de plusieurs millions de francs sont restées bloquées.
Selon des sources internes, les ministres des Affaires étrangères Didier Burkhalter et de l'Economie Johann Schneider-Ammann ne partageaient pas les mêmes vues. Après des mois de tergiversations, le Conseil fédéral a finalement tranché mercredi le sort des demandes déposées par une cinquantaine d'entreprises et donné son aval à des ventes totalisant 178 millions.
ats/gax
Précautions suisses
Les exportations présentant des risques importants que le matériel soit utilisé dans le conflit au Yémen ont été refusées. C'est entre autres le cas pour des grenades. Le Conseil fédéral a en revanche donné son feu vert à l'exportation de matériel de guerre destiné à la défense antiaérienne, estimant qu'il n’y a pas de raison de supposer qu’il soit utilisé dans les hostilités au Yémen.
Des ventes d'armes de petits calibres destinées à des particuliers ont aussi été autorisées, le gouvernement estimant très faible la probabilité qu'elles soient utilisées pour commettre des violations des droits de l'homme.
Aucune possibilité de recours n'existe contre les décisions du Conseil fédéral.