"Les embouteillages coûtent 2 milliards de francs par an à l'économie suisse". Les partisans de l’initiative "pour un financement équitable des transports" (dite initiative "Vache à lait", en votation le 5 juin) ont martelé ce chiffre à de nombreuses reprises ces derniers mois, pour dénoncer l'inflation des bouchons et réclamer davantage d'investissements.
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"La dernière estimation remonte à 2005": oui, mais non
Cherchant à vérifier leurs affirmations (voir en encadré les "fact-checking" d'autres arguments de campagne), nous nous adressons à l'Office fédéral du développement territorial (ARE), le seul organisme habilité à fournir une évaluation globale du coût des embouteillages. L'ARE nous renvoie d'abord vers ce qu'il présente comme "la seule estimation disponible", datant de 2005, qui parle de pertes à hauteur de 1,46 milliard de francs. A la question de savoir si 2 milliards serait une extrapolation crédible pour 2015, un responsable assure qu'il ne dispose d'aucun chiffrage plus récent.
Dès lors, d'où vient le chiffre qui a été assené sur toutes les antennes? Auto-Suisse cite une intervention de Doris Leuthard au Conseil des Etats, qui remonte au 17 septembre dernier. Ce jour-là, la conseillère fédérale défendait le projet FORTA, la solution du gouvernement pour les investissements routiers.
La vidéo est très claire. Seulement voilà, le procès-verbal réserve une surprise: dans la retranscription écrite les "plus de 2 milliards" ont fondu à... "environ 1 milliard".
Embarras et confusion au DETEC
Nous contactons une première fois le DETEC et obtenons une explication confuse. Le porte-parole de Doris Leuthard commence par essayer de justifier la différence entre les deux chiffres: le 17 septembre, la conseillère fédérale aurait fait une "extrapolation", "on ne peut pas dire qu'elle soit fausse" mais "les services du Parlement ont peut-être voulu fournir un chiffre plus officiel"... Plus officiel que celui avancé par la ministre des Transports?
Il nous rappelle un peu plus tard pour nous convaincre que la demande de correction ne peut tout bonnement pas provenir du DETEC: "un milliard, c'est trop bas; si nous avions voulu faire une correction nous n'aurions pas donné ce chiffre". Avant de lâcher du bout des lèvres qu'une nouvelle estimation est en train d'être bouclée et ne sera rendue publique que dans le courant du mois de juin.
Nous recontactons alors l'Office fédéral du développement territorial, qui consent cette fois à nous confirmer la sortie d'une nouvelle estimation prévue pour après la votation et que, oui, l'estimation de "2 milliards de francs pour 2015" est bien "réaliste". Les initiants ont donc dit vrai mais, pour les chiffres officiels, rendez-vous dans un mois.
Pauline Turuban
Réforme de l'asile: les requérants auront des conseillers juridiques, pas des avocats gratuits
Linda Bourget, journaliste politique au 19h30, a vérifié d'autres arguments de la campagne menée avant les votations du 5 juin. Le premier argument émane de l'UDC et concerne la réforme de l'asile: le parti a beaucoup affirmé pendant la campagne que si cette initiative passait, les requérants auraient droit à des "avocats gratuits" et que cela ralentirait les procédures au lieu de les accélérer.
C'est faux. Il n'est pas question de mettre des avocats gratuits à la disposition des requérants mais des conseillers juridiques, spécialistes du domaine de l’asile, qui seront fournis par des organisations. La différence est importante car l'UDC laisse entendre qu'on paierait des avocats au tarif standard, soit environ 300 à 400 francs de l’heure.. En réalité on en est loin: la prestation juridique serait rémunérée au forfait et les chiffres évoqués sont plutôt de l'ordre de 1'500 francs par demande d'asile selon un rapport de McKinsey basé sur les résultats du centre test de Zurich.
A priori rien n'indique que ce système entraverait l'accélération des procédures. D'abord parce que quand on est payé au forfait, on n'a pas intérêt à multiplier les heures de travail. Ensuite, parce que les résultats obtenus à Zurich dans le centre qui a servi de "laboratoire" à ce projet de loi ont montré une réduction de 39% de la durée moyenne des procédures.
Initiative en faveur du service public: les subventionnements croisés seront toujours possibles
L’un des arguments principaux des opposants à l’initiative en faveur du service public est le fait qu'elle "interdit les subventionnements croisés". De fait, le texte dit ceci : "Dans le domaine des prestations de base, la Confédération ne vise pas de but lucratif, ne procède à aucun subventionnement croisé au profit d’autres secteurs de l’administration et ne poursuit pas d’objectif fiscal".
"Si demain, à cause de l’initiative, Postfinance ne peut plus subventionner le déficit du réseau postal, les suppressions d’office postaux vont s’accélérer, la dégradation des conditions de travail va s’accélérer et la situation sera encore pire qu’aujourd’hui", a ainsi affirmé le conseiller national Jean-Christophe Schwaab (PS/VD) dans Infrarouge.
C'est faux. L'interprétation des opposants au texte va trop loin, assurent les initiants. Il n'est pas question d'interdire le subventionnement d'un bureau de poste de campagne par d'autres prestations bénéficiaires. Même si le texte soumis au vote est flou, le Conseil fédéral valide l'interprétation des initiants: le but premier est d'interdire que les bénéfices de la Poste et de Swisscom atterrissent dans les caisses de la Confédération, pas de démanteler le service public.