Selon Addiction Suisse, le taux de fumeurs stagne en Suisse, alors qu'il est en baisse dans la plupart des pays industrialisés. Chaque année, la cigarette continue ainsi à faire 9500 victimes. Pour l'association, le fait que la Suisse n'ait pas introduit les paquets de cigarettes neutres n'est pas étranger à cette évolution.
L'Australie, à la pointe en matière de prévention, fait état d'un taux historiquement bas du nombre de fumeurs, avec 12,8% de la population, grâce aux restaurants sans fumée, à l'interdiction de la publicité et surtout aux emballages neutres. Suivant cet exemple, l'Organisation mondiale de la santé a lancé une campagne pour appeler tous les pays à suivre cette voie, estimant que le conditionnement neutre "rend les produits du tabac moins attrayants".
Le conditionnement neutre rend les produits du tabac moins attrayants
Un paquet neutre en France
En Europe, la Cour de justice de l'UE a validé début mai une directive d'uniformisation des paquets de tabac en rejetant les derniers recours. Adopté par l'Assemblée nationale en novembre, le paquet neutre a été introduit en France le 20 mai avec des emballages uniformément vert olivâtre et des avertissements sanitaires, une mesure plutôt bien accueillie.
En Angleterre et en Irlande, les Parlements ont pris les mêmes décisions, alors que la Norvège et la Nouvelle-Zélande ont des intentions similaires et que d'autres pays devraient suivre, de la Suède au Canada en passant par la Hongrie, la Turquie et l'Afrique du Sud.
Dans un communiqué publié lundi, Addiction Suisse fait état de sondages révélant l'efficacité de cette mesure: "Les jeunes, beaucoup plus sensibles à l’image, voient depuis l’introduction des paquets neutres les cigarettes sous un angle moins favorable et estiment leur nocivité de manière plus réaliste." En résumé, un paquet brun triste apporterait moins de plaisir.
Et la Suisse?
En Suisse, la timidité reste de rigueur. Le Conseil fédéral a rejeté les paquets neutres en 2014 et le ministre de la Santé Alain Berset a ensuite élaboré un projet de loi moins ambitieux que la directive européenne. Le projet de loi sur les produits du tabac mentionne uniquement l'âge légal de remise, fixé à 18 ans, ainsi que diverses interdictions publicitaires.
Toutefois, alors que le Conseil des Etats doit empoigner le dossier durant la session d'été, la commission de sécurité sociale et de la santé s'oppose à la loi et propose de renvoyer le projet au Conseil fédéral car elle estime qu'il va trop loin et ne convient pas aux principes de l'économie de marché. D'autres voix estiment au contraire que la loi ne va pas assez loin, notamment en ne prônant pas directement le paquet neutre.
Un puissant lobby
Au final, selon Addiction Suisse, ce sont surtout "de puissants groupes d'intérêts" qui entrent en jeu en Suisse pour freiner l'introduction de mesures concrètes. Une version corroborée par le député européen Gilles Pargneaux récemment venu en visite à Berne: "J’ai l’impression que la Suisse est le paradis pour l’industrie du tabac", indiquait-il dans une interview accordée au Temps.
Les industriels du tabac dépensent des sommes astronomiques en publicité, marketing et communication pour nous faire croire que fumer, c'est à la fois convivial et subversif, que la liberté, c'est précisément de pouvoir fumer
Dans une tribune dans le Huffington Post de mardi, la ministre française de la Santé Marisol Touraine fait aussi état d'un dur combat contre les cigarettiers, estimant qu'inscrire le paquet neutre dans la loi "relève du parcours du combattant pour un ministre de la Santé, tant les soutiens se réduisent à mesure que le texte progresse devant le Parlement".
Il est toutefois "réconfortant de voir que les pays sont de plus en plus nombreux à déjouer les manoeuvres de l'industrie" contre le conditionnement neutre, a déclaré mardi le directeur de la prévention des maladies non transmissibles à l'OMS Douglas Bettcher.
boi